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La collaboration libérale entre médecins ?  Plus d’inconvénients que d’avantages ?

Exercice professionnel des médecins libéraux

le 20/11/2020

L'intérêt de la collaboration libérale est qu'elle permet à un jeune médecin de ne pas s'installer immédiatement et donc de tester son projet et au médecin qui engage un jeune collaborateur, de se décharger d'un surcroît de travail et/ou de préparer une association ou un départ

A la différence du remplacement, il faut être inscrit au tableau pour être collaborateur libéral, ce qui exclut les étudiants. Le médecin collaborateur peut d'ailleurs lui-même se faire remplacer. En outre, médecin collaborant et médecin collaborateur peuvent exercer en même temps alors que la conclusion d'un contrat de remplacement exclut l'activité du médecin remplacé pendant la durée du remplacement. 

Comme tous les contrats, le contrat de collaboration devra être communiqué au Conseil départemental de l’Ordre dans le mois qui suit sa conclusion (CSP art. L 4113-9).

Il est important, pour le médecin installé,  d'étudier l'opportunité de la collaboration libérale en fonction de son projet de cabinet et de ses besoins spécifiques (par rapport au recours à la collaboration salariée ou au remplacement notamment) dans la mesure où ce mode d'exercice, s'il présente des avantages, n'est pas exempt d'inconvénients.

En effet, la collaboration libérale a pour but de permettre au collaborateur de développer progressivement une patientèle tout en soignant également celle du médecin installé avec lequel il est lié par le contrat de collaboration. C'est donc aussi pour lui une période qui permet de compléter sa formation par une expérience pratique, avant de décider de la manière dont il va exercer. Cela peut également être une phase préalable à une association avec le praticien collaborant.

L'un des avantages de ce contrat est la flexibilité (possible cumul de plusieurs collaborations dans des cabinets médicaux différents, sous réserve d’une compatibilité des périodes d’exercice et du respect des règles de déontologie médicale (CSP art. R 4127-85)) et, pour le collaborateur, l’absence de frais d’installation.

Dans le cadre de ce contrat, le collaborateur libéral exerce la profession en toute indépendance et perçoit l’intégralité des honoraires correspondant aux actes médicaux qu'il accomplit et côte sous son nom (art. 18, II de la loi 2005-882 du 02.08.2005 en faveur des PME). Le collaborateur libéral dispose de ses propres ordonnances et peut demander à avoir sa plaque professionnelle apposée sur les locaux.

Le patient choisira évidemment librement son médecin.

Il n’y a pas de lien de subordination (CSP art. R 4127-87). Le dernier alinéa de l’article L 4113-9 du Code de la santé publique (CSP) prévoit en effet que « les dispositions contractuelles incompatibles avec les règles de la profession ou susceptibles de priver les contractants de leur indépendance professionnelle les rendent passibles de sanctions disciplinaires prévues à l’article L. 4124-6 du code de la santé publique » . Ces sanctions sont respectivement l’avertissement, le blâme, l’interdiction temporaire d’exercer et la radiation du tableau de l’Ordre.

Le contrat de collaboration libérale est plutôt encouragé par l’Ordre qui y voit plusieurs intérêts, notamment, l’accès à un premier emploi pour un jeune diplômé, la préparation d’une succession du médecin titulaire, l’intégration progressive d’un jeune diplômé dans une structure d’exercice en groupe, un complément à une activité à temps partiel, un cumul emploi-retraite si le collaborant est en fin d’exercice, le développement d’une patientèle, la possibilité de tester une zone géographique peu attractive, de combiner l’exercice d’une activité salariée et libérale ou encore une manière de libérer du temps pour convenance personnelle.

Le collaborateur libéral cotise pour son propre compte auprès de tous les organismes sociaux (URSSAF, CARMF, assurance maladie) et doit s'assurer car c'est lui qui est responsable de ses actes professionnels.

Il verse une redevance de collaboration au médecin avec lequel il travaille, qui est versée au praticien titulaire en contrepartie de la mise à sa disposition des locaux équipés, d’un éventuel secrétariat, du matériel nécessaire à l’exercice de la profession, du libre accès aux dossiers des patients et, éventuellement, d’une partie de la patientèle (BOI-BNC-SECT-70-30 nos 1 et 20). Cette redevance devra être justifiée par les services rendus par le médecin collaborant.

La collaboration libérale présente ainsi un inconvénient fiscal important : si les activités de soins sont normalement des activités économiques exonérées du champ d’application de la TVA, la rétrocession des honoraires et la rétribution des moyens et du personnel mis à la disposition du collaborateur, c'est-à-dire la redevance de collaboration payée par le collaborateur au titulaire du cabinet, a été analysée par l’administration fiscale comme le versement d’un loyer, ce qui a été confirmé par le Conseil d’Etat et a pour conséquence l’assujettissement de ces redevances versées par le collaborateur au collaborant à la TVA sauf si la rétrocession annuelle est inférieure à inférieure à 34 400 € annuels, auquel cas, elle bénéfice d’une franchise de TVA

Cette disposition explique que peu de médecins aient recours à la collaboration libérale car elle entraine cet inconvénient majeur d'assujettissement à la TVA des redevances de collaboration versées par les collaborateurs aux médecins installés au-delà du seuil de 34 400 € annuels, ce qui équivaut à une perte sèche de 20 % du montant des sommes versées entre médecins.

Au titre de ces redevances, les médecins titulaires doivent, de leur côté, collecter cette TVA, la déclarer, et la reverser au Trésor public, ce qui fait peser sur eux une tâche comptable et administrative supplémentaire.

Cet inconvénient majeur explique que le recours à la collaboration libérale soit peu fréquent chez les médecins, alors qu’il est très pratiqué chez les autres professionnels libéraux pour lesquels la posture est inversée : le cabinet perçoit les honoraires et le collaborateur perçoit une rétrocession partielle desdits honoraires  

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La propriété des données

Responsabilité Médicale

le 17/11/2020

Le progrès des technologies de l’information requiert et permet aujourd’hui la collecte et le traitement massif de données personnelles et de données de santé.

Les données sont ainsi devenues une valeur cardinale de l’économie numérique entrainant nécessairement l’identification des droits sur les données et de leur titulaire.

En matière médicale, la loi dite Kouchner du 4 mars 2002 a largement accru les droits des patients en leur accordant notamment un accès direct au dossier médical et plus récemment, le Règlement sur la protection des données personnelles (RGPD) a consacré certains droits sur les données personnelles, tels que le droit d’accès et le droit d’opposition.

Faut-il en déduire un droit de propriété des patients sur les données qui y figurent ?

Il apparait avant tout important de rappeler que selon l’article 4 du RGPD, on entend par :

- "données à caractère personnel", toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable

- « données concernant la santé », les données à caractère personnel relatives à la santé physique ou mentale d'une personne physique, y compris la prestation de services de soins de santé, qui révèlent des informations sur l'état de santé de cette personne

Les patients peuvent exercer des droits sur leurs données de santé à savoir :

- droits d’accès aux données, de rectification des données, de limitation des traitements, d’opposition aux traitements, d’effacement des données et droit à la portabilité des données (art. 15 à 21 RGPD)

- droit de donner des directives sur le sort des données après le décès

Reste la question de savoir s’il existe un droit de propriété des données car si juridiquement, la donnée est sans hésitation une chose, les données de santé ont un lien étroit avec l’individu, ce qui est donc à l’origine d’une controverse non encore réglée.

-         Absence de droit de propriété des données.

Au regard du droit français, les données de santé constituent des données personnelles dites « sensibles », c’est-à-dire qu’elles méritent une protection accrue. Elles sont ainsi régies par le droit commun des données personnelles, assorti d’un surplus de protections spécifique.

En l’état des textes actuels, il n’existe pas de droit de propriété des données personnelles. Ce principe a été juridiquement exclu, et ce à plusieurs reprises.

Leur indisponibilité de principe a été consacrée par la loi informatique et liberté de 1978.

Par ailleurs, le droit de propriété est défini à l'article 544 du code civil comme :

« le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolu ».

Cette prérogative comprend trois éléments qui ne peuvent se retrouver dans la donnée personnelle : l'usus (le droit de disposer, d’user librement de l’objet du droit de propriété), le fructus (le droit d'user, de récolter les fruits par l’objet du droit de propriété) et l'abusus (le droit de jouissance, soit le droit de le vendre).

Les données de santé ne peuvent donc en aucun cas être vendues, que ce soit par le patient lui-même, ou par un tiers avec ou sans l’accord du patient :

« Tout acte de cession à titre onéreux de données de santé identifiantes directement ou indirectement, y compris avec l'accord de la personne concernée, est interdit sous peine des sanctions prévues à l'article 226-21 du code pénal » (art. L 1111-8.VII du CSP)

Il convient cependant d’apporter une nuance à ce principe puisque le procédé d’anonymisation permet l’utilisation, sans freins, des données dans le cadre notamment de recherches scientifiques ou d’outils d’intelligence artificielle.

De plus, si les professionnels de santé ne peuvent pas vendre les données à caractère personnel des patients, ils peuvent, dans certains cas, échanger ou partager ces données. (art. L 1110-4 du CSP)

-         Vers une évolution jurisprudentielle ?

Cette problématique du droit de propriété des données reste entière et suscite des avis divergents puisque certains, pour justifier l’existence d’un droit de propriété, se fondent sur la jurisprudence de la Cour de Cassation qui a admis le « vol de données ». ( Cass, Crim 20 mai 2015, Cass, crim 28 juin 2017, publié au bulletin n° de pourvoi 16- 81-113)

Or, qui dit vol de données, dit propriété préalable de ces données !...

Il apparait ainsi que la question de la propriété des données reste controversée, le patient devant cependant être à ce jour, plutôt être considéré comme dépositaire que comme propriétaire de ses données.

Notons que le patient dispose en tout état de cause de droits élargis concernant la protection de ses données personnelles et que le collecteur se voit reconnaitre le droit au traitement des données sous certaines conditions : l’anonymisation, la sécurité du système informatique et la vérification de l’hébergeur restant des éléments déterminants.

À propos du Cabinet
Le Cabinet AUBER a été créé en 2003 à l’initiative de Philip COHEN et Marie-Christine DELUC, avocats qui exerçaient dans des domaines distincts mais complémentaires.
Dans le domaine du droit de la santé, Avocat des principaux syndicats de médecins libéraux, généralistes ou spécialistes (CSMF, SNARF, FNMR, FFMKR…), et avocat référent du Cabinet BRANCHET, le Cabinet AUBER accompagne, conseille et défend les médecins dans tous les domaines concernant leur exercice professionnel.
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