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Limitation et arrêt des traitements : Questions-réponses

Responsabilité Médicale

le 06/09/2020

Les professionnels de santé doivent se conformer au protocole normalement établi par l’établissement de santé conformément aux dispositions légales et réglementaires.

Toutefois, de nombreux établissements de santé ne disposant malheureusement pas encore d’un tel protocole, il convient de donner aux professionnels de santé les repères utiles issus de la loi Léonetti-Claeys du 3 février 2016.

(https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.docidTexte=JORFTEXT000031970253&categorieLien=id)

Ces dispositions s’appliquent hors urgences vitales imprévues.

Quand peut-on envisager la limitation ou l’arrêt des traitements ?

La limitation ou l’arrêt des traitements ne peut être envisagé que pour éviter une obstination déraisonnable, un acharnement thérapeutique envers le malade.

Cette décision est envisageable lorsque le patient est dans un état au-dessus de toute thérapeutique possible. Cela signifie que les actes peuvent être limités ou arrêtés car ils sont inutiles ou disproportionnés et ne visent plus en définitive qu’un maintien artificiel en vie.

Cela peut notamment être le cas du patient qui est en situation de souffrance insupportable, de souffrance réfractaire aux traitements, alors que son pronostic vital est engagé à court terme.

(Article L1110-5-1 CSP)

(Article L1110-5-2 CSP)

Que recouvre la notion de traitements ?

Les traitements visés par les dispositions légales sur la fin de vie concernent exclusivement les actes qui ont pour seul effet de maintenir artificiellement un patient en vie. Ce sont donc des actes et des soins , en ce compris l’hydratation et la nutrition artificielle.

(Article 1110-5-1 CSP)

Les questions à se poser avant d’envisager la procédure

L’objectif de la loi est de garantir la dignité du patient tout en respectant autant que possible ses volontés concernant ses conditions de vie ou de mort.

Lorsque le patient est conscient, il est en mesure d’exprimer ses volontés. Le médecin devra informer le patient des conséquences de son choix et inscrire l’ensemble de la procédure au dossier médical.

En revanche, lorsque le patient est inconscient, le professionnel de santé doit s’efforcer de rechercher la volonté exprimée par le patient et doit donc se poser plusieurs questions :

Ø  Le patient a-t-il rédigé ses directives anticipées ?

En principe, les directives anticipées s’imposent au médecin. Cependant à l’issue de la procédure collégiale, le médecin pourra refuser de les appliquer si elles lui paraissent manifestement inappropriées. Il devra alors motiver son refus d’appliquer les directives anticipées et inscrire sa décision au dossier médical du patient.

Ø  A défaut d’avoir rédigé ses directives anticipées, le patient a-t-il désigné une personne de confiance ?

Le médecin doit obligatoirement consulter la personne de confiance dans le cas où le patient n’aurait pas rédigé ses directives anticipées afin et recueillir son témoignage éventuel sur ses volontés. 

Ø  A défaut de la désignation d’une personne de confiance, est-il possible de connaitre les volontés du patient par des témoignages de la famille et/ou de proches ?

Dans le cas où aucune personne de confiance n’a été désignée, la famille et les proches du patient devront être consultés, et éventuellement l’équipe de soins.

(Article L1111-4 CSP)

(Article L1111-12 CSP)

Qui peut déclencher la procédure d’arrêt des traitements ?

La procédure collégiale peut être déclenchée :

Ø  Soità l’initiative du patient lui-même, de la personne de confiance ou de la famille et des proches du patient, auxquels cas le médecin est tenu de mettre en œuvre la procédure ;

Ø  Soit à l’initiative du médecin en charge du patient, auquel cas il sera obligé d’informer le patient ainsi que la personne de confiance ou ses proches.  

(Article R.4127-37-2 CSP)

Comment se déroule la procédure collégiale ?

La procédure collégiale consiste en une concertation entre le médecin en charge du patient et l’ensemble des professionnels de santé intervenant dans sa prise en charge. De plus, elle doit inclure, comme consultant, un médecin extérieur à l’équipe et sans lien hiérarchique avec le médecin traitant.

Les soignants se réunissent afin d’évaluer si la situation remplit les conditions fixées légalement. Il s’agit d’une discussion collective entre les différents intervenants.

Les membres de l’équipe de soins doivent apprécier globalement la situation et l’état médical du patient afin de vérifier que l’arrêt des traitements est une décision adaptée au cas d’espèce. Plusieurs questions peuvent donc se poser, et notamment les suivantes :

Ø  Le pronostic vital est-il engagé ?

Ø  Le patient peut-il encore faire l’objet de traitements utiles ou est-il au-delà de toute thérapeutique ?

Ø  Dans le cas d’un patient conscient, sa demande est-elle libre et éclairée et dispose-t-il de la capacité de discernement nécessaire ? La souffrance du patient est-elle réfractaire ou intolérable ?

Ø  Le patient a-t-il rédigé ses directives anticipées ? A défaut de les avoir rédigées, quels sont les témoignages de l’équipe soignante ?

A l’issue de cette procédure collégiale, le médecin en charge du patient doit se concerter avec les membres de la famille connus et les proches de ce dernier. Au cours de cette réunion, il doit rendre compte de l’avis de la communauté médicale sur la question de l’arrêt ou de la limitation des traitements concernant le patient.

(Article R.4127-37-2 CSP)

Qui prend la décision finale ?

La décision finale de limitation ou d’arrêt des traitements ne peut être prise que par le médecin en charge du patient à la fin de la procédure collégiale. Il s’agit d’une décision médicale et éthique qu’il prend en responsabilité.

Si en principe les directives anticipées du patient s’imposent au médecin, ce dernier peut refuser de les appliquer dans le cas où elles seraient manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale du patient.

La décision finale d’arrêt ou limitation des traitements doit être motivée et inscrite dans le dossier du patient.

(Article R.4127-37-2 CSP)

(Article L1111-11 CSP)

Quand peut-on appliquer la décision d’arrêt ou de limitation des traitements ?

Après la procédure collégiale, la personne de confiance, la famille ou les proches du patient sont informés de la décision et ses motifs, et ce dans des conditions leur permettant d’exercer un recours utile.

Le médecin ne peut mettre en œuvre la décision d’arrêt des traitements avant que les personnes qu’il a consultées n’aient eu la possibilité effective de former un recours le cas échéant.

Aucun délai n’est prévu dans les textes. On conseillera donc au médecin d’attendre un délai d’au moins trois jours entiers après le jour de la notification de la décision d’arrêt des traitements à la famille avant la mise en œuvre de cette décision.

Le médecin pourra procéder à l’arrêt des traitements à défaut d’avoir été informé par la famille de l’exercice d’un recours.

En effet, les recours prévus contre une décision d’arrêt ou de limitation des traitements par la famille se font par la voie soit d’un référé-suspension (Article 521-1 CJA), soit d’un référé-liberté (Article 521-2 CJA). Il s’agit de requêtes dont l’urgence doit être motivée.

Dès lors, la famille devant exercer son recours en urgence, cela suppose que le médecin en charge ne peut attendre indéfiniment qu’elle le fasse puisqu’il doit, de son côté, tout mettre en œuvre pour soulager son patient.  

(Cons.const. 2 juin 2017, Union nat. assoc. de familles de traumatisés crâniens et de cérébro-lésés, n° 2017-632 QPC § 17)

(CE 6 déc. 2017, n° 403944 § 16)

ATTENTION !!!!!!!!

L’ensemble des étapes de cette procédure doit être retrouvé et tracé au dossier médical !!!!!

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Responsabilité Médicale

le 16/07/2020

Si la responsabilité des professionnels de santé reste une responsabilité individuelle personnelle, la prise en charge collégiale des patients fait partie aujourd’hui du quotidien des médecins spécialistes. Celle-ci peut être à l’origine d’un partage de responsabilité.

Les faits :

En l’espèce une patiente était adressée par son médecin traitant à un gastroentérologue en raison de pesanteur douloureuse épigastrique.

Après plusieurs consultations, le Dr GASTRO1 posait une indication de CPRE pour une patiente de 89 ans présentant un ictère avec dilatation des voies biliaires diffuse non étiqueté en Bili-IRM.

Il confiait avant tout la patiente à son associé le Dr GASTRO2 pour réalisation d’une écho-endoscopie préalable.

Le Dr GASTRO1 informait la patiente des risques de la CPRE et renouvelait cette information lors de son admission au sein de l’établissement de santé.

Le 09 février, le Docteur GASTRO 2 pratiquait une écho-endoscopie et notait dans son compte rendu :

« dilatation majeure des voies biliaires intra et extra hépatiques sur un obstacle lithiasique enclavé dans le bas cholédoque ».  

Les suites post opératoires immédiates étaient marquées par l’apparition de douleurs abdominales et une oxygénothérapie nasale était mise en place.

Le Dr GASTRO 2 examinait la patiente à 19h45 et était appelé vers 22 heures en raison de la persistance des douleurs, justifiant la prescription de 5 mg de morphine.

Le 10 février, la patiente était réexaminée par le Docteur GASTRO 2 aux alentours de 8 heures du matin, qui notait un abdomen tendu et sensible et évoquait immédiatement une perforation post écho-endoscopie, justifiant une demande de scanner abdominal en urgence qui sera réalisé à 9 heures.

Une antibiothérapie à large spectre était prescrite dès 8h10, et mise en place aux alentours de 10 heures.

Le scanner confirmait la perforation située au niveau du deuxième duodénum et d’un épanchement.

Un traitement médical était mis en place compte tenu de la localisation de cette perforation en rétro-péritonéale et de l’âge avancé de la patiente.

Le Docteur GASTRO 2 indiquait qu’il n’existait à ce stade aucun signe de gravité sur le scanner, même si la patiente devait bénéficier d’une surveillance en USC.

Le GASTRO 1, absent de l’établissement le 9 février est informé lors de son passage le 10 février à 13h de la complication et la réalisation de la CPRE est bien évidemment annulée.

Le 11 février, le Docteur GASTRO 2 examinait la patiente aux alentours de 8 heures du matin et constatait une amélioration de sa symptomatologie douloureuse, avec un abdomen plus souple, quelques bruits à l’auscultation, mais néanmoins une patiente confuse.

Un sondage était réalisé permettant de constater une amélioration.

Le Docteur GASTRO 1, passant prendre des nouvelles de sa patiente, préconisant un arrêt de l’Acupan.

Le 11 février à 21H30, le Docteur GASTRO 2 était appelé en raison d’un état d’agitation et d’une désaturation.

La patiente était ainsi admise en soins continus pour choc septique et devait malheureusement décéder le 12 février.

Les griefs :

La fille de la patiente, n’ayant par ailleurs eu le temps de revoir sa mère avant son décès, déposait une demande d’indemnisation devant la CCI, mettant en cause les 2 gastroentérologues.

Une expertise était confiée à un collège d’expert composé d’un gastroentérologue et d’un infectiologue puis dans un second temps un avis sapiteur était sollicité auprès d’un chirurgien digestif.

La plaignante reprochait aux professionnels de santé, une mauvaise indication, une information insuffisante, la perforation survenue et une mauvaise prise en charge.

Le rapport d’expertise :

Les experts ont validé l’indication qui avait été posée et l’information délivrée pour la CPRE par le Dr GASTRO1, comprenant le risque de perforation.

S’ils ont qualifié la complication survenue d’accident médical non fautif, ils ont néanmoins considéré que la prise en charge de celle-ci n’avait pas été conforme aux règles de l’art.

Selon eux :

« le diagnostic de la perforation digestive post endoscopie a été évoqué par l’examen clinique puis confirmé par la réalisation d’un scanner. Le diagnostic a été conduit conformément aux règles de l’art.

Le traitement de la perforation digestive post-endoscopie n’a pas été conduit conformément aux règles de l’art. Une discussion médico-chirurgicale collégiale de la prise en charge chirurgicale aurait dû être réalisée avec une confrontation des risques bénéfices compte tenu de l’âge, de l’avis de la patiente et de la famille. Ceci n’a pas été réalisé. »

Bien que la complication soit survenue au décours du geste réalisé par le Dr GASTRO2, les experts ont retenu un partage de responsabilité entre les Drs GATRO 1 et GASTRO 2 au titre d’une perte de chance d’éviter le décès, évaluée globalement à 35%.

L’avis de la CCI :

Ce rapport d’expertise a été contesté devant la CCI qui a suivi notre argumentation et a considéré au terme de son avis :

« …la commission considère qu’en l’espèce il n’est nullement établi qu’une reprise était réellement indiquée et préférable à la voie suivie par les praticiens en cause, en considération notamment de l’âge de la patiente et des risques propres à une intervention de reprise. Certes le fait de ne pas demander d’avis chirurgical est critiquable, mais ce seul fait ne permet pas de retenir en l’espèce l’existence d’une abstention fautive constitutive d’une perte de chance d’éviter l’évolution défavorable de la complication.

Dès lors, il convient de retenir que Madame X a été victime d’un accident médical non fautif indemnisable par l’ONIAM au titre de la solidarité nationale. »

Conclusion

Ce dossier illustre une nouvelle fois la position aujourd’hui retenue par les experts et un nombre croissant de juridictions dans l’hypothèse d’une continuité des soins assurée par différents médecins et surtout, la nécessité d’adopter une défense commune et cohérente de l’équipe.

Il est à noter que les deux gastroentérologues, assurés par l’intermédiaire de deux compagnies d’assurancedistinctes - et donc défendus séparément - ont dans un premier temps privilégié spontanément une défense personnelle, centrée exclusivement sur leur prise en charge respective.

Le Dr GASTRO 1 s’étonnait notamment de sa mise en cause dans ce dossier, considérant qu’il était absent lors de l’examen et de la gestion initiale de la complication et que sa responsabilité ne devait pas être discutée.

Le Dr GASTRO 2 et ses conseils considéraient pour leur part qu’une prise en charge collégiale était intervenue avec le Dr GASTRO 1 qui n’avait pas plus que lui estimé nécessaire de solliciter un avis chirurgical.

Ces défenses n’aboutissant qu’àdétourner l’attention de la discussion médicale principale, il a été préféré une défense commune en contestation des conclusions expertales sur la nécessité d’une reprise chirurgicale et ses éventuelles conséquences.

En effet, si le Dr GASTRO 1 n’a effectivement pas accompli d’acte technique, il a néanmoins participé à la prise en charge de cette patiente, comme en attestent ses passages à son chevet à partir de J1, passages tracés au dossier.

C’est sur la base de ces éléments que les experts ont considéré qu’il aurait pu solliciter un avis chirurgical au même titre que le Dr GASTRO 2.

Dans le cas d’une prise en charge d’un patient par plusieurs médecins spécialistes, les experts peuvent reprocher aux praticiens l’absence de discussion collégiale, ou de sollicitation d’un avis tiers spécialisé, qui auraient permis de rectifier plus rapidement le diagnostic de la complication et les traitements à mettre en œuvre.

Cette absence de discussion collégiale constitue en soi une faute, globalement imputable à l’ensemble des praticiens mis en cause, avec comme conséquence éventuelle une perte de chance indemnisable.

En effet et bien que le gastroentérologue ait l’expertise pour gérer les complications des examens endoscopiques, sa spécialité « d’organe » reste médicochirurgicale et la traçabilité d’une discussion médicochirurgicale doit être systématique.

En l’espèce, si nous avons pu mettre hors de cause les 2 gastroentérologues, c’est en démontrant au plan médical et en référence aux règles de l’art, qu’une reprise chirurgicale ne s’imposait pas et qu’il était difficile en conséquence d’établir une quelconque perte de chance.

Cependant, la traçabilité dans le dossier des passages et constatations de chacun des médecins concernés dans la prise en charge d’un patient, de même que la traçabilité des discussions collégiales ayant pu survenir reste notre bouclier principal de défense.

Ce dossier illustre l’opportunité pour une équipe de spécialistes d’être assurée auprès du même assureur afin d’une part, de pouvoir bénéficier d’un travail collectif sur la prévention et gestion des risques, et d’autre part, de bénéficier d’une défense commune et cohérente de l’équipe mise en œuvre par ses avocats référents.

À propos du Cabinet
Le Cabinet AUBER a été créé en 2003 à l’initiative de Philip COHEN et Marie-Christine DELUC, avocats qui exerçaient dans des domaines distincts mais complémentaires.
Dans le domaine du droit de la santé, Avocat des principaux syndicats de médecins libéraux, généralistes ou spécialistes (CSMF, SNARF, FNMR, FFMKR…), et avocat référent du Cabinet BRANCHET, le Cabinet AUBER accompagne, conseille et défend les médecins dans tous les domaines concernant leur exercice professionnel.
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