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SSPI : Pas de fatalité à une responsabilité partagée ! (Suite)

Responsabilité Médicale

le 07/02/2022

Aux termes de notre précédent article nous exposions deux cas, ayant donné lieu à des arrêts de Cours d’Appel confirmés par la Cour de Cassation (Cour d’Appel de DOUAI, 23 mai 2013 11/05434 ; Cour d’Appel de DOUAI, 4 avril 2019 19/199)

De ces deux cas, nous avions tiré un certain nombre d’enseignements aujourd’hui une nouvelle fois confirmés par un arrêt de Cour d’Appel dans une affaire similaire (Cour d’Appel d’AIX en PROVENCE, 24 octobre 2019 19/390).

Pour mémoire, il est acquis qu’une fois transféré en SSPI, le patient est sous la surveillance immédiate de l’IADE ou de l’infirmière spécialement formée à cette surveillance, sous la responsabilité médicale d’un médecin anesthésiste réanimateur à proximité et pouvant intervenir dans les plus brefs délais.

Qui est responsable en cas de défaut de surveillance en SSPI : l’infirmier de SSPI, le médecin anesthésiste, les deux ?

1.    Les cas exposés

1er cas :

Dans les suites d’une adenoïdectomie conduite sous anesthésie générale par SEVORANE, une enfant de trois ans était transférée en SSPI.

A son arrivée et bien qu’il soit noté dans le compte-rendu opératoire que le réveil de l’enfant avait été constaté sur table, l’infirmière de SSPI notait que l’enfant n’était pas conscient et ne répondait pas à la stimulation.

Aucun monitoring ou surveillance particulière n’était mis en place, à l’exception d’un saturomètre.

Dix minutes plus tard, vraisemblablement, l’enfant présentait un laryngospasme aigüe entrainant rapidement un arrêt cardiaque.

L’infirmière de SSPI prévenait l’anesthésiste qui venait immédiatement et retrouvait l’enfant cyanosé en arrêt cardio-respiratoire.

Il mettait en œuvre les mesures de réanimation et l’enfant état transférée dans un service de neurologie pédiatrique en état de coma végétatif.

La Cour d’Appel a retenu une perte de chance totale de 99% répartie à parts égales entre le médecin anesthésiste réanimateur et l’infirmière.

Elle considéra :

-       D’une part, que le médecin anesthésiste-réanimateur avait été imprudent en transférant l’enfant trop précocement en SSPI « au lieu de la garder encore quelques minutes pour s’assurer que, lors de l’arrêt de l’administration du mélange du Sévorane avec le protoxyde d’azote, l’hypoxie ne se prolongeait pas et continuer la ventilation en oxygène ».

-       D’autre part, que l’établissement de santé engageait sa propre responsabilité du fait de la négligence de son infirmière salariée de SSPI, laquelle n’avait pas pris toutes les mesures nécessaires afin d’assurer une surveillance efficace, et donc conduit au retard de diagnostic et de prise en charge :

« Attendu que pour autant la Clinique Z ne saurait denier toute responsabilité de l’infirmière présente en salle de réveil alors qu’il ressort des éléments sus rappelé que l’enfant n’était pas pleinement réveillé lors de son arrivée dans cette salle, l’infirmière aurait dû prendre toutes les précautions nécessaires pour assurer une surveillance maximale et ne pas se contenter d’un saturomètre ; que peu importe que les instructions sur la feuille que X lui avait été transmises aient été ou non pré-imprimées et n’aient pas visé le cas spécifique de Y, car en tant que professionnelle (elle a elle-même indiqué qu’elle travaillait depuis 12 ans en salle de réveil) elle devait connaître les précautions élémentaires à prendre et brancher l’ensemble du monitorage »

Il convient de préciser qu’il avait été relevé en l’espèce que le médecin anesthésiste réanimateur était, au moment des faits, du fait de la défection imprévue d’un de ses collègues, en charge de 3 salles d’opérations.

2ème cas :

Une patiente ayant bénéficié de la pose d’une prothèse de hanche sous anesthésie générale était admise en SSPI intubée et ventilée, sans monitorage de décurarisation préalable en salle d’opération.

L’infirmière en charge de la SSPI décidait, sans juger nécessaire de faire appel à l’anesthésiste réanimateur, d’extuber la patiente, sans préalablement s’assurer de la décurarisation.

Vingt minutes plus tard, l’IADE du MAR, en arrivant dans la SSPI pour y conduire un patient suivant, constatait immédiatement un arrêt cardiaque de la patiente et appelait le médecin anesthésiste réanimateur, lequel intervenait immédiatement.

La patiente était ensuite transférée dans un autre établissement où il était constaté un coma anoxique aréactif.

Pour retenir la responsabilité du médecin anesthésiste réanimateur, la Cour d’appel a considéré que l’absence de monitorage des effets résiduels du curare par l’anesthésiste avait favorisé les circonstances de survenue de la complication :

« Attendu, sur l’analyse du comportement du praticien anesthésiste, que l’expert judiciaire retient à l’encontre du Docteur X l’absence de mise en œuvre des bonnes pratiques recommandées par la SFAR, plus précisément l’absence de monitorage de la curarisation et partant l’absence d’administration d’un produit antagoniste en cas de curarisation résiduelle ;

(…)

Qu’il est encore acquis que l’anesthésiste, dont les obligations professionnelles demeurent envers le patient à son admission en salle de réveil, se devait d’informer le personnel infirmier spécialisé non seulement de l’utilisation au cours de l’intervention d’un produit dérivé du curare, ce qui normalement doit apparaître sur le document qui suit le patient du bloc opératoire à la salle de réveil, mais bien davantage aviser ce personnel de l’absence de recherche d’une éventuelle curarisation résiduelle comme l’absence d’administration d’un produit antidote, soit autant de précautions utiles pour le personnel auquel l’extubation été déléguée, cette manœuvre ne suscitant de la part du Docteur X ni même de l’établissement de santé la moindre discussion ;

Qu’il s’ensuit que par sa propre carence et la méconnaissance des Recommandations de bonnes pratiques cliniques publiées dès 2002 par la SFAR, le Docteur X a créé les conditions de survenance de l’accident anesthésique dont a souffert Mme Y en salle de réveil ».

Pour retenir également la responsabilité de l’établissement de santé du fait du comportement de son infirmière salariée en SSPI, la Cour a constaté qu’une surveillance efficiente dans les minutes suivant l’extubation aurait pu permettre d’éviter le dommage :

« Que [l’expert judiciaire] décrit du reste, indépendamment des fautes mises en exergue contre le praticien anesthésique, un indéniable défaut de surveillance de la part du personnel infirmier de la salle de réveil que les données de la séquence de monitorage enregistrée mettent en évidence de manière édifiante, ce qui suggère un comportement fautif particulièrement lourd de ce personnel, un suivi constant des données du moniteur cardiovasculaire permettant de repérer immédiatement une éventuelle complication.

Qu’il n’est à ce sujet pas discutable que les manquements du personnel de la salle de réveil à ses obligations de surveillance et de vigilance, indépendamment des reproches nourris contre le praticien anesthésiste, sont patents et que leurs conséquences pour Mme Y se sont révélées dramatiques et irréversibles, l’expert judiciaire rappelant en son rapport que des gestes simples et adaptés de la part d’un personnel vigilant permettaient de parer toute complication sans même devoir envisager une nouvelle intubation ; »

Il convient ici de préciser que, dans cette affaire, l’anesthésiste réanimateur avait eu l’heureuse initiative de procéder immédiatement à des captures d’écran de monitorage (il n’y avait pas d’impression papier sur ledit matériel), qui ont permis de rétablir la chronologie exacte des constantes, révélant un arrêt cardio respiratoire quasi immédiat après extubation, en contradiction totale avec les constantes tracées par l’infirmière de SSPI…

3ème cas :

Dans les suites d’une cure de sciatique conduite sous anesthésie générale, le patient était extubé par le médecin anesthésiste-réanimateur qui le transférait ensuite en SSPI.

A son arrivée, il était relevé un épisode de dyspnée respiratoire sur œdème rapidement résolutif sous aérosol prescrit par l’anesthésiste.

A noter que l’ensemble de cette prise en charge faisait l’objet d’une traçabilité précise par le médecin anesthésiste aux termes de la feuille de prescription post-interventionnelle.

1 heures 20 après son admission en SSPI, l’état du patient se dégradait lequel présentait alors une détresse respiratoire associée à une hypertension artérielle et une altération majeure de la conscience.

Appelé par le personnel infirmier, l’anesthésiste se rendait immédiatement au chevet du patient et procédait aux mesures de réanimation.

Malheureusement, cette encéphalopathie anoxique entraînait une tétraplégie et d’importants troubles cognitifs jusqu’au décès du patient, dix ans plus tard.

Dans le cadre de sa défense, l’établissement a cherché un partage de responsabilité avec le médecin anesthésiste-réanimateur invoquant une extubation trop précoce à l’origine d’une anoxie qui aurait alors entraîné secondairement la détresse respiratoire.

S’appuyant notamment sur les conclusions expertales et plus particulièrement la feuille de prescription post-interventionnelle et la traçabilité des constantes en SSPI, la Cour d’Appel a pu légitimement en déduire qu’il n’y avait pas eu de désaturation après le problème ventilatoire qui avait été correctement pris en charge par l’anesthésiste.

Relevant l’existence de bonnes constantes et notamment d’une bonne saturation en oxygène du patient à son arrivée en SSPI et pendant plus d’une heure après, la Cour a pu rejeter l’hypothèse de la Clinique et écarter une possible responsabilité de l’anesthésiste.

S’agissant de l’établissement, la Cour a notamment considéré que l’existence d’une oxymétrie imprenable démontrait la survenue d’une obstruction pharyngée d’au moins 5 minutes caractérisant un défaut de surveillance de la part du personnel infirmier et engageant la responsabilité exclusive de l’établissement.

« La feuille de prescription post-interventionnelle établie à la suite de l’intervention mentionne une dyspnée respiratoire sur oedème et la prescription d’un aérosol par le Docteur X.

Les experts ont relevé qu’il ne peut être considéré que l’état clinique de Monsieur M. s’est aggravé entre 10H07 et 10H24, heure de son admission en SSPI, car aucun élément ne permet de l’établir et car le problème ventilatoire n’a pas entraîné de détresse respiratoire ; ainsi le volume courant est resté satisfaisant, il n’y a pas eu de désaturation et il est demeuré un important wheezing.

En outre, la feuille de surveillance en SSPI révèle une admission à 10H24 avec une oxymétrie de pouls à 97 et la mise en place de l’aérosol de Solumédrol et Adrenaline qui a amélioré immédiatement l’état de Monsieur M. ; en effet, l’oxymétrie de pouls est passée à 100 à 10H34 ; ainsi aucun manque d’oxygène n’est à déplorer lors de l’arrivée en SSPI.

En revanche, la feuille de surveillance post-interventionnelle fait état à 11H32 d’une oxymétrie de pouls à 100 puis à 11H43 de l’absence d’oxymétrie de pouls ; le Docteur X. a indiqué avoir été appelé en salle de réveil à 11H45 et les experts ont précisé que l’oxymétrie de pouls non mesurable s’est accompagnée d’une tachycardie et d’une hypertension artérielle, que chez un patient réputé sous oxygène, il faut au moins cinq minutes d’obstruction pharyngée pour passer d’une oxymétrie de pouls à 100 à une oxymétrie imprenable et que malgré une intubation trachéale et une ventilation assistée l’oxymétrie mesurable n’a été récupérée qu’après dix minutes ce qui implique que la ventilation n’était pas efficace depuis au moins cinq minutes.

Les experts ont ajouté d’une part, que le trouble respiratoire a bien été dû à une obstruction des voies aériennes car il a suffit au Docteur X. de luxer la mâchoire de Monsieur M. pour que celui-ci reprenne une ventilation ample et efficace, (ce qui exclut une reprise de l’oedème laryngé), qu’il s’agit d’un geste simple que tous les infirmiers de salle de réveil savent faire dans l’attente de la venue d’un médecin et, d’autre part, que l’infirmier de SSPI qui a renseigné un score d’Aldrete à l’arrivée de Monsieur M. (l’activité motrice est notée 0/2 et l’état de conscience est noté 0/2 sur la feuille de soins post-interventionnelle) savait qu’il était endormi et se devait de le surveiller attentivement et de le stimuler.

Ces éléments caractérisent ainsi un défaut de surveillance de Monsieur M. en SSPI par le personnel infirmier et une absence de réaction adaptée de ce personnel face à un problème respiratoire, ce qui engage la responsabilité de [l’établissement]. »

2.    Un même raisonnement de principe : une responsabilité partagée 50/50 entre l’anesthésiste et la Clinique

Dans les deux premières affaires, une même solution s’est imposée à savoir une responsabilité partagée à 50/50 entre l’anesthésiste et la Clinique.

En effet, dans chacune de ces affaires, les défaillances du personnel infirmier faisaient suite à des défaillances propres au médecin anesthésiste réanimateur.

Dans la troisième affaire, l’établissement a cherché l’application du même raisonnement en alléguant, en amont de la prise en charge du personnel infirmier, une extubation trop précoce de la part du médecin anesthésiste réanimateur.

Cependant, au prix d’une traçabilité précise et d’une prise en charge exempte de toute critique, la responsabilité du médecin anesthésiste réanimateur a pu être écartée.

3.    Quels enseignements à tirer ?

La responsabilité médicale est une responsabilité personnelle et individuelle, chacun répond des conséquences de sa propre prise en charge, mais les défaillances de l’un peuvent contribuer aux défaillances de l’autre.

Les Tribunaux ont toujours une extrême difficulté à ne retenir que la responsabilité du personnel infirmier, bien qu’il ait ses compétences et responsabilités propres, et cherchent toujours à savoir s’il n’y a pas lieu de retenir également la responsabilité du médecin dont le personnel infirmier dépend.

Si dans les deux premiers cas exposés, on voit bien que la carence de surveillance du personnel infirmier a été la cause essentielle et principale du dommage, les juges ont retenu néanmoins la responsabilité pour moitié de l’anesthésiste réanimateur dont la prise en charge n’était pas indemne de tout reproche.

Comme nous le démontre la troisième affaire, ce partage de responsabilité n’est pas inévitable, d’autant que nous savons bien le rôle principal et déterminant de la surveillance par le personnel infirmier en SSPI.

Pour que celle-ci soit le centre de l’attention des experts puis des juges, cela suppose une prise en charge de l’anesthésiste réanimateur exempte de tout reproche.

Cela suppose donc :

-      Une traçabilité précise et complète de la prise en charge du MAR sur la feuille d’anesthésie

-       Une traçabilité des consignes de surveillance en SSPI, qui peut être faite en référence à des protocoles de surveillance selon les types d’anesthésie et/ou de chirurgie réalisées (avec ou sans curare, monitorage de décurarisation avant extubation par l’infirmière en SSPI, constantes de référence impliquant appel systématique et immédiat au MAR etc…)

-      Une traçabilité de la surveillance infirmière en SSPI et la conservation des constantes monitorées

-       Enfin et bien évidemment, nous rajouterons la disponibilité immédiate de l’anesthésiste réanimateur pour répondre à un appel d’un infirmier SSPI, disponibilité qui sera toujours mise en cause explicitement ou implicitement s’il est établi qu’il était en charge de plus de deux programmes opératoires sans renfort anesthésique qualifié.

Telles sont les conditions qui permettront, en cas de défaillances du personnel infirmer en SSPI, de ne retenir que la seule et entière responsabilité de la Clinique.

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Responsabilité Médicale

le 03/01/2022

Un centre de radiologie peut-il être qualifié d’établissement de santé au sens des dispositions de l’article L 1142-1,I alinéa du Code de la Santé Publique et de ce fait, voir sa responsabilité de plein droit retenue au titre des infections nosocomiales ?

Si la Cour de cassation avait déjà écarté cette qualification pour les centres de radiologie exerçant sous la forme d’une SCM (Civ. 1re, 12 juill. 2012), la question était cette fois ci posée pour les SARL.

Les faits :

Un patient, âgé de 70 ans, souffrait de douleurs au niveau de l’épaule droite, justifiant la réalisation d’un arthroscanner.

Cet examen était réalisé par un radiologue exerçant à titre libéral dans un centre d’imagerie dont les locaux étaient situés au sein d’un établissement de santé privé avec lequel une convention était signée.

Dans les suites de cet examen, une infection par streptocoque mitis était mise en évidence.

La procédure :

Procédure de référé-expertise

Considérant avoir contracté une infection nosocomiale au sein de la SARL de radiologie, le patient assignait devant le juge des référés le radiologue, la société de radiologie et la clinique afin qu’une expertise soit diligentée.

Aux termes de son rapport, l’expert concluait à la survenue d’une infection nosocomiale survenue dans les suites de l’arthroscanner sans qu’aucun manquement ne puisse être retenu à l’encontre du radiologue.

Recherchant une indemnisation de ses préjudices, le patient assignait le radiologue, la SARL de radiologie où l’acte avait été pratiqué, la clinique et la CPAM.

La procédure devant le Tribunal

Si la survenue d’une infection nosocomiale était difficilement contestable en l’espèce, la clinique considérait que sa responsabilité ne pouvait être recherchée.

Elle insistait sur le fait que l’acte à l’origine de cette infection avait été réalisé au sein de la SARL de radiologie qui était indépendante de sa structure et devait être considérée comme un établissement de santé distinct de la clinique.

Par jugement en date du 17 mars 2015, le tribunal de Bastia confirmait l’absence de tout manquement du radiologue et condamnait la clinique à indemniser les préjudices en lien avec l’infection nosocomiale survenue, après avoir expressément écarté la qualification d’établissement de la société de radiologie.

Le Tribunal indiquait en effet que :

« Selon la convention signée entre la Clinique et le Centre Imagerie, le matériel radiologique de la SELARL[en réalité SARL] « est à la disposition de tous les praticiens intervenant à la Polyclinique du Docteur MAYMARD pour les examens de scanner des patients hospitalisés ou consultants.

Il est précisé que le tour de garde ou d’astreintes des radiologues « est communiqué au plus tard le 15 de chaque mois à la direction de la Clinique ».

Même si le Centre Imagerie, loue directement ses locaux à un particulier, en vertu d’un bail sous seing privé, il résulte du protocole de fonctionnement, que ce centre est situé dans les locaux de la Clinique et que les radiologues sont à la disposition de praticiens de la clinique pour ces actes d’imagerie, étant précisé que la Clinique ne prouve pas qu’elle dispose d’autre matériel lui permettant de réaliser ces actes.

Les locaux du centre d’imagerie sont donc hébergés par la Clinique.

Il est constant qu’un centre de radiologie a pour seul objet de faciliter l’exercice de la profession par chacun de ses membres, ce dont il résulte qu’il n’est pas l’une des structures auxquelles s’applique, en vertu de l’article L 1142-1 alinéa du Code de la Santé Publique, une responsabilité de plein droit pour les infections nosocomiales qui y sont intervenues.

En l’espèce, le Centre de radiologie assure tous les besoins de la clinique en matière de radiologie courante et bénéficie de l’exclusivité de l’installation et de l’usage de tout appareil radiologique dans la clinique, de sorte que cette dernière doit respecter les dispositions du code de la santé publique précité en matière d’infections nosocomiales. »

La Clinique interjetait appel de ce jugement.

La procédure devant la Cour d’Appel de Bastia

Si la condamnation de la Clinique était confirmée en appel, la motivation était cependant différente.

En effet, dans son arrêt en date du 22 février 2017, la Cour d’Appel de Bastia considérait pour sa part que le centre de radiologie (en ayant relevé à tort qu’il s’agissait d’une SELARL alors qu’il s’agissait d’une SARL) devait être qualifié d’établissement de santé :

« Si un centre de soins dont la forme juridique est une SCM de radiologie, n’est pas un établissement de santé au sens de l’article L 1142-1 du Code de la Santé Publique, tel n’est pas le cas d’une structure sociale qui a pour objet d’exercer la profession médicale. La SELARL, centre de radiologie, constitue une des structures auxquelles s’applique, en vertu de l’article L 1142-1 alinéa 2 du Code de la Santé Publique, une responsabilité de plein droit pour les infections nosocomiales qui y sont survenues. Les débats sur la faute ou l’absence de faute sont donc inopérants. »

La Cour d’appel a néanmoins considéré que la « SELARL » devait être considérée comme « étant le service de radiologie de l’établissement de santé, lui-même soumis aux dispositions de l’article L 1142-1 du Code de la Santé Publique pour les infections nosocomiales qui y étaient survenues. », expliquant ainsi que la condamnation de la clinique ait été confirmée.

Un pourvoi en cassation était formé par la clinique.

Premier arrêt de la cour de cassation

Aux termes d’un arrêt en date du 12 septembre 2018, la 1ère Chambre civile de la Cour de Cassation, sans se prononcer expressément sur la qualification de la SARL, cassait l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de BASTIA sur un motif de procédure et renvoyait cette affaire devant la Cour d’Appel d’Aix en Provence.

La procédure devant la Cour d’appel de renvoi

Par arrêt en date du 12 septembre 2019, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence considérait cette fois-ci que le centre de radiologie étant distinct de la clinique et réalisant des actes de diagnostic devait être tenu responsable de l’infection nosocomiale survenue :

« c’est bien au sein du centre de radiologie, établissement distinct de la Clinique et répondant à la définition de l’article L 1142-1 I du code de la santé publique en tant que réalisation des actes de diagnostic, que le patient a contracté une infection nosocomiale et non pas au sein de la clinique.

Pour fonder sa décision, la cour indiquait :

« la mise à disposition du scanner du centre pour tous les praticiens intervenant à la Clinique, réglementée par un protocole entre la clinique et le centre de radiologie qui fixe des règles destinées à faciliter le fonctionnement de la coopération entre les deux établissements, ne suffit pas à en déduire qu’il s’agit du centre de radiologie de la clinique.

Il n’est pas discuté que ces praticiens peuvent parfaitement adresser leurs patients à d’autres établissements et la cour relève que le protocole ne prévoit aucune règle d’exclusivité au profit du Centre de radiologie.

La clinique indique sans avoir été contredite sur ce point que le centre de radiologie dispose de ses propres circuits d’approvisionnement concernant les dispositifs médicaux stériles et de son propre personnel de nettoyage pour les locaux et le matériel.

Il est également établi que la Clinique dispose de ses propres protocoles d’asepsie ainsi que d’un matériel de radiologie en propre qu’elle finance par contrat de location avec option d’achat.

Il convient enfin de relever que le patient a été adressé à ce centre de radiologie par son médecin traitant, sans lien avec Clinique et il n’est produit aucun document relatif à une admission du patient au sein de la Clinique. »

La SARL de radiologie, s’opposant à toute qualification d’établissement de soins, ne pouvait bien évidemment accepter cette décision puisque son objet social n’est que l’exploitation, l’achat, la vente ou la location de matériel.

Un second pourvoi était alors formé.

Le second arrêt de la Cour de cassation en date du 10 novembre 2021 :

Précisément interrogée sur la qualification d’établissement de santé, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt en date du 10 novembre 2021 (pourvoi n° B 19-24.227)énonce, pour la première fois :

« qu’une société à responsabilité limitée, qui est constituée par des médecins radiologues pour exercer leur profession et a pour activité l’exploitation, l’achat, la vente et la location de matériel d’imagerie médicale et de radiothérapie, ne peut être considérée comme un établissement au sens de l’article L. 1142-1, I, du code de la santé publique, soumis à une responsabilité de plein droit au titre des dommages résultant d’infections nosocomiales. »

La Cour, dans le prolongement de sa jurisprudence antérieure concernant les SCM, fait également grief à la cour d’appel de ne pas avoir recherché :

« s’il ne résultait pas du protocole conclu entre les parties pour le fonctionnement du scanner que la société était tenue d’assurer la permanence des soins des patients hospitalisés ou consultants à la clinique, par la mise en place, sous son contrôle, d’un planning de gardes et d’astreintes des radiologues et manipulateurs et constituait à ce titre le service de scanner de l’établissement de santé. »

Ainsi au regard de la jurisprudence actuelle les SCM, SARL ou toute autre structure de moyens en radiologie ne peuvent être qualifiées d’établissement de santé et voir leur responsabilité de plein droit retenue au titre des infections nosocomiales.

Il en est évidemment de même pour le médecin radiologue dont la responsabilité professionnelle ne peut être engagée que pour faute.

À propos du Cabinet
Le Cabinet AUBER a été créé en 2003 à l’initiative de Philip COHEN et Marie-Christine DELUC, avocats qui exerçaient dans des domaines distincts mais complémentaires.
Dans le domaine du droit de la santé, Avocat des principaux syndicats de médecins libéraux, généralistes ou spécialistes (CSMF, SNARF, FNMR, FFMKR…), et avocat référent du Cabinet BRANCHET, le Cabinet AUBER accompagne, conseille et défend les médecins dans tous les domaines concernant leur exercice professionnel.
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