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1 anesthésiste 2 salles, vous avez dit pas de texte?

Responsabilité Médicale

le 01/01/2005

Très souvent, nous sommes interrogés pour savoir dans quelle mesure un médecin anesthésiste réanimateur peut prendre la responsabilité de deux anesthésies dans deux salles différentes.

Il convient immédiatement d'indiquer qu’un médecin anesthésiste réanimateur ne peut seul prendre en charge l’anesthésie dans deux salles différentes sans mettre en danger la sécurité qu'il doit au patient et sans s'exposer en conséquence à voir sa responsabilité mise en cause.

Rappelons en effet :

1. que l'article 32 du code de déontologie médicale, institué par décret, précise : "Dès lors qu'il a accepté de répondre à une demanda le médecin s'engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel s'il y a lieu, à l'aide de tiers compétents. " et que l'article 47 alinéa 1 prévoit par ailleurs que " quelles que soient les circonstances, la continuité des soins aux malades doit être assurée."

2. Que l’article D712-40 du Code de la santé publique (issu du décret du 5 décembre 1994) dispose :

"Pour tout patient dont l'état nécessite une anesthésie générale ou locorégionale, les établissements de santé, y compris les structures de soins alternatives à l'hospitalisation, doivent assurer les garanties suivantes :

1/ une consultation pré anesthésique lorsqu’il s'agit d'une intervention programmée ;

2/ les moyens nécessaires à la réalisation de cette anesthésie ;

3/ une surveillance continue après l'intervention ;

4/ une organisation permettant de faire face à tout moment à une complication liée à l’intervention ou à l'anesthésie effectuées."

3. Que l'article D712-43 du Code de la santé publique (décret précité) prévoit en son deuxième alinéa :

" Les moyens prévus au 2° de l’article D712-40 doivent permettre de faire bénéficier le patient :

I/ d'une surveillance clinique continue ;

2/ d'un matériel d'anesthésie et de suppléance adapté au protocole anesthésique retenu. "

4. Que l'article D712-45 du Code de la santé publique (décret précité) précise :

" La surveillance continue post-interventionnelle mentionnée au 3° de l'article D712-40 a pour objet de contrôler les effets résiduels des médicaments anesthésiques et leur élimination et de faire face, en tenant compte de l'état de santé du patient, aux complications éventuelles liées à l'intervention ou à l'anesthésie. Cette surveillance commence en salle dès la fin de l'intervention et de l 'anesthésie. Elle ne s'interrompt pas pendant le transfert du patient. Elle se poursuit jusqu'au retour et au maintien de l’autonomie respiratoire du patient, de son équilibre circulatoire et de sa récupération neurologique ".

5. Qu'en toute logique des dispositions précitées, l'article D712.42 du Code de la santé publique (décret précité) dispose :

"Le tableau fixant la programmation des interventions est établi conjointement par les médecins réalisant ces interventions, les médecins anesthésistes réanimateurs concernés et le responsable de l'organisation du secteur opératoire en tenant compte notamment des impératifs d’hygiène de sécurité et d’organisation du fonctionnement du secteur opératoire ainsi que des possibilités d'accueil en surveillance post-interventionnelle ".

De même que l'article D712-48 précise que les horaires d'ouverture de la salle de surveillance post- interventionnelle "doivent tenir compte du tableau fixant la programmation des interventions mentionné à l'article D7J2-42 et de l'activité de l'établissement au titre de l accueil et du traitement des urgences ".

6. Que l'article 1.0 du décret du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'infirmier dispose que : "l’infirmier Anesthésiste Diplômé d'Etat est seul habilité, à condition qu'un médecin anesthésiste réanimateur puisse intervenir à tout moment, et après qu'un médecin anesthésiste réanimateur a examiné le patient et établi le protocole, à appliquer les techniques... " d’anesthésie générale ou locorégionale et de réanimation per opératoire et " qu’il accomplit les soins et peut, à l'initiative exclusive des médecins anesthésistes réanimateurs, réaliser les gestes techniques qui concourent à l'application du protocole ".

7. Que les recommandations de la SFAR concernant la période pré anesthésique précise que : "le médecin anesthésiste étant coresponsable de la sécurité de l'opéré, ne doit pas accepter, urgences mises à part, un programme opératoire compromettant cette sécurité. Par conséquent, celui-ci est élaboré conjointement par l'opérateur et l'anesthésiste ".

8. Que les recommandations de la SFAR concernant la surveillance des patients en cours d’ anesthésie précise que :

"Si le médecin anesthésiste réanimateur est amené à quitter la salle d'opération, il confie la poursuite de l 'anesthésie à un autre médecin anesthésiste réanimateur qualifié. S'il la confie à un médecin anesthésiste réanimateur en formation ou à un infirmier anesthésiste, il reste responsable de l'acte en cours et peut intervenir sans délai. Les médecins en cours de spécialisation en anesthésie - réanimation ne remplissant pas encore les conditions pour effectuer des remplacements, ainsi que les infirmiers anesthésistes ne sont pas habilités à réaliser une anesthésie en l’absence d'un médecin anesthésiste réanimateur qualifié. Ils ont essentiellement une fonction d'assistance et de surveillance".

9. Que les recommandations de la SFAR concernant l'anesthésie du patient ambulatoire prévoit en leur article 3-2 que : " les conditions de la surveillance de l'anesthésie, qu'elle soit générale, locorégionale ou qu'il s'agisse d'une sédition intraveineuse sont celles indiquées dans les " recommandations " de la SFAR concernant la surveillance du patient anesthésié."

10. Que les recommandations de la SFAR concernant le rôle de l'IADE précisent enfin :

"Article 2.1. L 'IADE sur site d'anesthésie La composition de l’équipe d’anesthésie, son importance numérique, la répartition des rôles, la plus ou moins grande autonomie de l’IADE dans le déroulement de l’acte, sont déterminés par le niveau de complexité et d’intervention projetée, le degré de gravité de la pathologie et l’état antérieur du patient. Toutes ces données sont évaluées par le médecin anesthésiste réanimateur au cours de la consultation d’anesthésie et mentionnées par lui dans te dossier d'anesthésie.

2.1.1. Activités de soins L'IADE travaille en équipe avec le médecin anesthésiste réanimateur. La nature de ce travail tient à la fois de l’exécution de prescription médicales et de la réalisation de tâches clairement précisées, qui lui sont confiées en fonction de sa compétence propre. L’intervention de l’un ou de l'autre varie selon l'importance des actes d'anesthésie et de chirurgie. L'IADE peut, en présence du médecin anesthésiste réanimateur, procéder à l'induction d'une anesthésie générale suivant la prescription du médecin ou le protocole établi. Le médecin anesthésiste réanimateur peut lui confier la surveillance du patient en cours d'anesthésie à la condition expresse de rester a proximité immédiate et de pouvoir intervenir sans délai. Le médecin anesthésiste réanimateur doit être obligatoirement et immédiatement informé de la survenance de toute anomalie.

L'IADE participe à la réalisation des anesthésies locorégionales. Il est habilité à pratiquer des réinjections par la voie du dispositif mis en place par le médecin anesthésiste réanimateur suivant les prescriptions écrites de ce dernier.

La participation de l 'IADE à l’anesthésie du patient ambulatoire obéit aux mêmes règles.

Face à une urgence extrême et vitale, l 'IADE est tenu de mettre en œuvre, sans attendra les gestes d’urgence et de survie relevant de sa compétence. Il est souhaitable que des protocoles couvrant ces situations soient établis dans chaque service ou équipe d'anesthésie réanimation. L’IADE doit, dans de telles situations, rédiger un compte rendu destiné au responsable concerné du service d'anesthésie et de réanimation. "

En résumé, il résulte de l'ensemble des textes précités qu'un médecin anesthésiste réanimateur ne peut prendre la responsabilité de l'anesthésie dans deux salles d'opération différentes qu’à la condition que l'induction anesthésique soit réalisée soit par lui-même, soit en sa présence par un IADE, que la surveillance per opératoire puisse être réalisée soit par lui-même, soit par un IADE.

En cas de complications sur l'un des deux sites d'anesthésie dont la surveillance per opératoire est assurée par un IADE, ce dernier peut immédiatement faire appel au médecin anesthésiste réanimateur se trouvant dans l'autre salle de bloc opératoire nécessairement à proximité, et par l'inversion immédiate des prises en charge de la complication per opératoire dans une salle et de la surveillance per opératoire dans l'autre salle, assurer effectivement la continuité des soins et la sécurité des patients.

La méconnaissance de ces conditions de sécurité anesthésique dans l'établissement de la programmation opératoire et dans le fonctionnement d'ensemble des activités en plateau technique constituant nécessairement une situation potentielle de mise en. danger des patients, entraînera nécessairement en cas d'accident non seulement la responsabilité du médecin anesthésiste réanimateur et / ou de l’IADE, mais également du chirurgien et de l'établissement qui ne pouvaient méconnaître les obligations réglementaires précitées et ont participé à la création d'une telle situation dangereuse, manquant à leurs propres obligations contractuelles envers les patients.

Ce 1e rappel des textes précités rend inutile, vous l'avez compris, de longs développements supplémentaires sur l’hypothèse d'un médecin anesthésiste et de plus de deux salles d'opération, quand bien même il y aurait un IADE dans chaque salle d'opération car en cas d'incidents simultanés, toujours possibles, l'anesthésiste n'a toujours pas le don d'ubiquité.

Contrairement à l'idée encore trop souvent reçue, si les anesthésistes doivent effectivement répondre à la demande d'activité de leur établissement, ils ne peuvent le faire et l'établissement ne peut le leur demander au mépris des règles de sécurité anesthésique dont le caractère le plus souvent réglementaire les rend opposable à tous.

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La surveillance continue d’une anesthésie : de la règle de bonne pratique à l’obligation réglementaire !

Responsabilité Médicale

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L’absence de surveillance continue par un professionnel de l’anesthésie, c’est-à-dire un médecin anesthésiste réanimateur ou un IADE, était considérée jusqu’ici comme un manquement aux bonnes pratiques telles que prévues par les recommandations de la SFAR.

Par un arrêt rendu le 08 juin 2022, la chambre criminelle de la Cour de Cassation a eu à se prononcer sur la portée du décret du 05 décembre 1994 sur la sécurité anesthésique à l’égard directement des médecins anesthésistes réanimateurs.

La Cour de Cassation rappelle que l’article D 6 124-93 du code de la santé publique, met à la charge des médecins anesthésistes l’obligation de participer à l’élaboration de la programmation des interventions, et que l’article D 6 124-94 du même code dispose que l’anesthésie est mise en œuvre sous la responsabilité d’un médecin anesthésiste réanimateur qui doit assurer une surveillance clinique continue à l’aide des moyens mis à sa disposition par l’établissement conformément à l’article D 6 124-91 ,2°.

En conséquence, la Cour de Cassation considère qu’il incombe au médecin anesthésiste, sous la responsabilité duquel l’anesthésie est pratiquée, d’assurer directement ou par la fourniture de directives à ses assistants, un contrôle permanent des données fournies par les instruments afin d’adapter la stratégie anesthésique.

En relevant « qu’en s’absentant de la salle d’opération sans prévenir quiconque, alors qu’il venait de constater une hypotension artérielle ayant conduit à décider une suspension momentanée de l’arrivée de gaz anesthésiant qui avait entrainé une situation précaire devant faire l’objet d’une vigilance constante, le Docteur X a violé de manière délibérée les obligations particulières de prudence qui lui incombaient au titre des dispositions précitées ».

Elle a donc caractérisé « des manquements délibérés à des obligations de prudence et de sécurité exposées par les textes précités au médecin anesthésiste réanimateur lui-même ».

C’est la première fois que la Cour de Cassation a considéré que le décret du 5 décembre 1994 qui concerne d’abord les établissements de santé et les garanties qu’ils doivent aux patients concernant la sécurité en anesthésie est applicable aux médecins anesthésistes réanimateurs.

Cela signifie donc qu’une surveillance discontinue de l’anesthésie par un professionnel de l’anesthésie constitue bien aujourd’hui un manquement à une obligation de prudence et de sécurité prévue par un texte législatif ou un règlement qui suffit à caractériser une faute et peut ainsi au plan pénal constituer non seulement en elle-même une faute pénale mais également une circonstance aggravante.

Les peines encourues pour homicide involontaire sont alors portées à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende, en cas de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de trois mois elles sont portées à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 € d’amende, et en cas d’incapacité de travail inférieure ou égale à trois mois à un an d’emprisonnement et à 15 000 € d’amende.

Il sera souligné que cette consécration de la surveillance discontinue en anesthésie réanimation comme étant une obligation règlementaire de sécurité et de prudence pourrait également être utilisée pour la qualification de mise en danger.

Les médecins anesthésistes réanimateurs doivent désormais être conscients que la surveillance continue d’une anesthésie depuis l’induction jusqu’au transfert en SSPI ne constitue plus seulement aujourd’hui une règle de bonne pratique prévue par les recommandations de la SFAR mais bien une obligation règlementaire de prudence et de sécurité.

Cet arrêt de la chambre criminelle de la Cour de Cassation a également des répercussions sur les établissements de santé eux-mêmes ainsi que les opérateurs : la planification de programmes opératoires ne permettant pas d’assurer une surveillance continue de l’anesthésie engagera donc la responsabilité de tous les acteurs de la programmation et l’acceptation de débuter une intervention chirurgicale en ayant connaissance dès le départ d’un risque de discontinuité de la surveillance anesthésique engagera également l’opérateur au regard de ce qui est considéré aujourd’hui comme étant une obligation réglementaire de prudence et de sécurité opposable à tous .

À propos du Cabinet
Le Cabinet AUBER a été créé en 2003 à l’initiative de Philip COHEN et Marie-Christine DELUC, avocats qui exerçaient dans des domaines distincts mais complémentaires.
Dans le domaine du droit de la santé, Avocat des principaux syndicats de médecins libéraux, généralistes ou spécialistes (CSMF, SNARF, FNMR, FFMKR…), et avocat référent du Cabinet BRANCHET, le Cabinet AUBER accompagne, conseille et défend les médecins dans tous les domaines concernant leur exercice professionnel.
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