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LA "REDEVANCE " POUR LES NULS

Exercice professionnel des médecins libéraux

le 20/10/2022

PRINCIPES

Une clinique est en droit de facturer au médecin les prestations et services qu’elle lui fournit personnellement et qui ne lui sont pas rémunérés par ailleurs, que ce soit par les Caisses de sécurité sociale ou le patient lui-même. C’est ce qui est appelé communément la « redevance » bien que ce terme faisant penser à une taxe parafiscale sur le travail soit inapproprié. 

LES PRESTATIONS FACTURABLES 

Les prestations et services normalement facturables au médecin exerçant en Clinique sont le recouvrement et la gestion des honoraires, toutes les prestations et services relatifs à son activité de consultations dans la mesure où son Cabinet y est implanté. 

Le médecin doit payer à la Clinique ce qu’il aurait dû normalement payer s’il avait son Cabinet en dehors de celle-ci (personnel de secrétariat, informatique, téléphonie, papeterie et évidemment locaux et leurs charges etc ....).

Les aide-opératoires, IADE et d'une manière générale tout personnel attaché personnellement au praticien et dont la rémunération est normalement comprise dans ses honoraires, sa cotation CCAM, sont refacturables s'ils sont mis à disposition par la clinique (ce qui surenchérit leur cout de la TVA à 20%...). 

Le personnel affecté aux installations, plateau technique ainsi que le matériel conforme aux normes réglementaires et aux règles de l'art ne sont pas facturables au médecin car rémunérés par la Sécurité Sociale au titre des GHS, GHM ou autres forfaits facturés par la Clinique.

Un matériel innovant non encore considéré comme un Gold standard peut donner lieu à discussion entre le médecin et la clinique quant à son coût et sa maintenance ....

Il y a des prestations communes à tous les praticiens de la Clinique qui peuvent être mutualisées (gestion et recouvrement des honoraires par ex) et il peut y avoir des prestations spécifiques à telle ou telle spécialité ou mode d’exercice.

COMMENT EST FACTUREE LA REDEVANCE ?

La redevance peut être fixée, exclusivement par commodité de gestion comptable, en pourcentage des honoraires secteur 1 perçus sur bordereau S3404 ou d’une manière forfaitaire.

L'assiette de calculs peut comprendre les dépassements d'honoraires si ceux-ci sont récupérés par le personnel de la Clinique...

En pourcentage ou forfaitaire, elle doit toujours faire l’objet normalement d’une révision annuelle en fonction du coût réel et moyen justifié, par la Clinique ; des prestations et services qu'est censée rémunérer la redevance.

En effet, toute redevance qui ne correspond pas au coût réel, moyen et justifié, des prestations et services fournis, qui serait excessive, constituerait un partage d’honoraires illicite, prohibé par la loi, une dichotomie.

Il s'agit d'une prohibition d'ordre public qui a pour but de sauvegarder l'indépendance du médecin ...

C'est pourquoi tout pourcentage ou somme forfaitaire prévue à ce titre dans un contrat est toujours susceptible de modification .... en fonction du coût moyen réel et justifié par la Clinique régulièrement, spontanément ou sur demande de justification des médecins .

Si une redevance excessive, dissimulant un partage d'honoraires illicite, est impossible, à l'inverse une Clinique pour des raisons d'attractivité peut décider de prendre à sa charge des prestations normalement facturables aux médecins, il faut que cela soit prévu par écrit, contractualisé car en l’absence, le médecin demeure à la merci d'un revirement en faveur de l'application d'une application stricte des règles de facturation .... le verbal s'envole au moindre souffle contraire ….

COMMENT REGLER SA REDEVANCE ?

De même que les honoraires sont la propriété des médecins, de même ils doivent rester maitres du paiement de la redevance par leurs soins sur facture.

Il faut absolument refuser le paiement par prélèvement à la source sur les honoraires perçus normalement sur le compte mandataires -Honoraires médicaux, tenus par des médecins qui ne reçoivent mandat que des médecins et non pas de la Clinique qui leur met simplement à disposition pour ce faire personnels et moyens matériels ou informatique.

Ce mandat est toujours révocable unilatéralement et les mandataires honoraires sont tenus de respecter les instructions données sous peine de détourner abusivement des sommes qui ne leur appartiennent pas ...Le compte bancaire honoraires doit toujours être distinct de celui de la clinique pour éviter toute confusion d'actifs...

Certaines CME ont créé association ou GIE pour la gestion et le recouvrement des honoraires pour en diminuer les coûts et éventuellement par leur placement disposer d'une trésorerie ...

On rappellera enfin que tout médecin est en droit de se faire régler directement par la Caisse pivot de sécurité sociale s'il le souhaite.

UNE REDEVANCE CA SE REDISCUTE ?

Il est extrêmement difficile pour un médecin s’installant en Clinique de rediscuter les modalités de facturation de la redevance et il lui appartient de vérifier que celles-ci sont identiques à celles de ses confrères pour les prestations communes et des collègues de même spécialité…

Ce qu’il faut retenir, c’est que la redevance fixée en pourcentage dans un contrat constitue une des seules dispositions contractuelles éventuellement révisable par la suite s’il se révèle que la Clinique n’est pas en mesure de justifier un coût réel des prestations et services fournis ce qui induit que la redevance facturée dissimule en réalité un partage d’honoraires illicite. 

ET S’IL N'Y A PAS D'ACCORD ?

Tout contentieux éventuel concernant la redevance doit être mené par l’ensemble des médecins de la Clinique pour les prestations communes, par l'entremise de la CME, de la spécialité pour les prestations spécifiques ou en cas d'inaction de la CME pour les prestations communes, et surtout pas de façon individuelle.

Toute volonté de rediscuter de la redevance facturée suppose d'être préparé avec un conseil spécialisé connaissant la jurisprudence et les textes applicables lesquels sont maintenant parfaitement établis en cette matière.

La première des étapes sera de planifier une stratégie permettant l'ouverture de négociation et d'éviter justement une procédure contentieuse en tout cas à l'initiative des médecins ...car faute de justifications par la Clinique, il lui appartiendra de prouver sa créance !  C'est ce qu'a encore rappelé récemment la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation le 15 juin 2022.

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STRUCTURES AUTONOMES ET INFECTIONS NOSOCOMIALES : ATTENTION RESPONSABILITE !

Responsabilité Médicale

le 23/04/2022

Un chirurgien plasticien exerçait son activité au sein d’une installation autonome de chirurgie esthétique (IACE) pour laquelle il bénéficiait à titre personnel d’une autorisation délivrée par l’ARS. Cette installation, bien qu’intitulée « Clinique », n’était pas dotée d’une personnalité morale.

Une patiente, âgée de 20 ans, bénéficiait d’une réduction mammaire dans les locaux de cette IACE. Dans les suites de cette intervention, elle présentait une dermo-hypodermite nécrosante au niveau du site opératoire.

La procédure en référé-expertise

Souhaitant obtenir réparation des préjudices résultant de l’infection présentée, la patiente assignait devant le Juge des référés le chirurgien plasticien, l’anesthésiste, l’IACE et l’ONIAM afin qu’une expertise soit diligentée.

Aux termes de son rapport, l’Expert concluait à la survenue d’une infection associée aux soins sans qu’aucun manquement ne puisse être retenu à l’encontre du chirurgien plasticien et de l’anesthésiste.

Il écartait la qualification d’infection nosocomiale considérant qu’elle était réservée aux infections contractées au sein d’un établissement de santé dont les IACE ne font pas parties.

La procédure devant le Tribunal judiciaire

Recherchant une indemnisation de ses préjudices, la patiente assignait devant le Tribunal judiciaire l’IACE désignée sous le terme de « Clinique » et le chirurgien plasticien.

La patiente soutenait que le chirurgien plasticien se devait d’indemniser ses préjudices en sa qualité de chef d’établissement de santé responsable de plein droit au titre d’une infection nosocomiale.

Le praticien mettait en avant le fait que la structure était dénuée de personnalité morale et qu’en l’absence de manquement lui étant directement imputable, sa responsabilité devait être écartée.

Par jugement en date du 17 mai 2018, le Tribunal faisait droit aux demandes de la patiente et condamnait le chirurgien à indemniser ses préjudices en sa qualité de chef de cette structure qui était « assimilée à un établissement, un service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ».

En effet, le Tribunal indiquait que :

« il est constant d’une part que la structure exploitée par [le chirurgien], qui est au demeurant désignée par le terme « Clinique », accueille des patients dans le cadre d’un contrat d’hospitalisation et propose à ces derniers des chambres équipées de tout le matériel médical nécessaire. D’autre part, y sont réalisés non seulement des actes médicaux simples, mais également comme en l’espèce de véritables interventions chirurgicales invasives, nécessitant la réunion d’une véritable équipe médicale composée du chirurgien, du médecin anesthésiste et d’un personnel médical assurant une assistance ainsi qu’une surveillance pré, per et post-opératoire.

Ce type de prise en charge ne peut ainsi relever de la médecine de ville pratiquée en cabinet eu égard aux contraintes d’asepsie, de gestion des risques médicaux, et des certifications et autorisations nécessaire pour pratiquer de tels actes ».

Dans ces conditions, le Tribunal estimait que l’infection contractée par la patiente devait être considérée comme une infection nosocomiale dont les conséquences devaient être indemnisées par le responsable de la structure ; en l’espèce le praticien lui-même.

Le chirurgien interjetait appel de ce jugement.

La procédure devant la Cour d’appel

Par arrêt en date du 5 septembre 2019, la Cour d’appel confirmait le jugement entrepris en ce que le chirurgien devait être considéré comme le dirigeant de l’IACE qualifiée d’établissement de santé et tenu en conséquence d’indemniser les conséquences de l’infection nosocomiale contractée par la patiente au sein de sa structure.

Un pourvoi en cassation était formé par le chirurgien afin que la Cour de cassation reconnaisse que l’IACE ne pouvait être considéré comme un établissement de santé et qu’en conséquence la responsabilité du chirurgien ne pouvait être retenue qu’en cas de faute.

L’arrêt de la Cour de cassation

Par arrêt en date du 8 décembre 2021, la Première Chambre civile de la Cour de cassation a confirmé qu’une installation autonome de chirurgie esthétique ne constituait pas un établissement de santé.

La Cour de cassation a cependant rappelé que l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique relatif à l’indemnisation des dommages résultant d’une infection nosocomiale ne concernait pas uniquement les établissements de santé privé mais également les services dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins.

Or, la Cour a considéré qu’une IACE constitue un service de santé dans lequel sont réalisés des actes de soins et qu’en conséquence, elle est soumise, comme les établissements de santé, à une responsabilité de plein droit en matière d’infections nosocomiales.

La motivation de la Cour de cassation est la suivante :

« 4. Selon l'article L. 1142-1, I, alinéa 2, du code de la santé publique, les établissements, services et organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.

5. Une installation autonome de chirurgie esthétique constitue un service de santé, régi par les dispositions des articles L. 6322-1 à L. 6322-3 et R. 6322-1 à D. 6322-48 du code de la santé publique, dans lequel sont réalisés de tels actes, de sorte qu'elle est soumise, comme un établissement de santé, à une responsabilité de plein droit en matière d'infections nosocomiales.

6. La cour d'appel a constaté que [la patiente] avait contracté une infection nosocomiale dans les locaux de l'installation autonome de chirurgie esthétique dirigée par [le chirurgien].

7. Cette installation étant soumise à une responsabilité de plein droit, il en résulte que [le chirurgien] ès qualités était tenu, en l'absence de preuve d'une cause étrangère, d'indemniser les préjudices subis par [la patiente] en lien avec l'infection nosocomiale ».

La Cour de cassation en conclut donc que le chirurgien plasticien titulaire de l’autorisation et qui détient cette IACE est tenu de plein droit, en l’absence de preuve d’une cause étrangère, d’indemniser la victime qui a contracté une infection qualifiée de nosocomiale dans les locaux de son installation.

CE QU’IL FAUT RETENIR :

Ainsi, la responsabilité de plein droit du fait d’une infection nosocomiale, ne concerne pas uniquement les établissements de santé publics ou privés, mais s’applique également à toutes les structures au sein desquelles des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins sont dispensés.

Il est donc primordial pour tous les praticiens exerçant une activité médicale dans le cadre d’une structure autonome de doter cette structure d’une personnalité morale afin de permettre une distinction entre :

l’assurance couvrant la responsabilité civile professionnelle du médecin qui exerce au sein de cette structure, responsabilité qui ne peut être engagée sur pour faute

et l’assurance de la structure elle-même au sein de laquelle les soins sont dispensés et qui devra donc être assurée de manière distincte pour les dommages résultant notamment d’une infection nosocomiale, responsabilité de plein droit.

À propos du Cabinet
Le Cabinet AUBER a été créé en 2003 à l’initiative de Philip COHEN et Marie-Christine DELUC, avocats qui exerçaient dans des domaines distincts mais complémentaires.
Dans le domaine du droit de la santé, Avocat des principaux syndicats de médecins libéraux, généralistes ou spécialistes (CSMF, SNARF, FNMR, FFMKR…), et avocat référent du Cabinet BRANCHET, le Cabinet AUBER accompagne, conseille et défend les médecins dans tous les domaines concernant leur exercice professionnel.
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