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STRUCTURES AUTONOMES ET INFECTIONS NOSOCOMIALES : ATTENTION RESPONSABILITE !

Responsabilité Médicale

le 23/04/2022

Un chirurgien plasticien exerçait son activité au sein d’une installation autonome de chirurgie esthétique (IACE) pour laquelle il bénéficiait à titre personnel d’une autorisation délivrée par l’ARS. Cette installation, bien qu’intitulée « Clinique », n’était pas dotée d’une personnalité morale.

Une patiente, âgée de 20 ans, bénéficiait d’une réduction mammaire dans les locaux de cette IACE. Dans les suites de cette intervention, elle présentait une dermo-hypodermite nécrosante au niveau du site opératoire.

La procédure en référé-expertise

Souhaitant obtenir réparation des préjudices résultant de l’infection présentée, la patiente assignait devant le Juge des référés le chirurgien plasticien, l’anesthésiste, l’IACE et l’ONIAM afin qu’une expertise soit diligentée.

Aux termes de son rapport, l’Expert concluait à la survenue d’une infection associée aux soins sans qu’aucun manquement ne puisse être retenu à l’encontre du chirurgien plasticien et de l’anesthésiste.

Il écartait la qualification d’infection nosocomiale considérant qu’elle était réservée aux infections contractées au sein d’un établissement de santé dont les IACE ne font pas parties.

La procédure devant le Tribunal judiciaire

Recherchant une indemnisation de ses préjudices, la patiente assignait devant le Tribunal judiciaire l’IACE désignée sous le terme de « Clinique » et le chirurgien plasticien.

La patiente soutenait que le chirurgien plasticien se devait d’indemniser ses préjudices en sa qualité de chef d’établissement de santé responsable de plein droit au titre d’une infection nosocomiale.

Le praticien mettait en avant le fait que la structure était dénuée de personnalité morale et qu’en l’absence de manquement lui étant directement imputable, sa responsabilité devait être écartée.

Par jugement en date du 17 mai 2018, le Tribunal faisait droit aux demandes de la patiente et condamnait le chirurgien à indemniser ses préjudices en sa qualité de chef de cette structure qui était « assimilée à un établissement, un service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ».

En effet, le Tribunal indiquait que :

« il est constant d’une part que la structure exploitée par [le chirurgien], qui est au demeurant désignée par le terme « Clinique », accueille des patients dans le cadre d’un contrat d’hospitalisation et propose à ces derniers des chambres équipées de tout le matériel médical nécessaire. D’autre part, y sont réalisés non seulement des actes médicaux simples, mais également comme en l’espèce de véritables interventions chirurgicales invasives, nécessitant la réunion d’une véritable équipe médicale composée du chirurgien, du médecin anesthésiste et d’un personnel médical assurant une assistance ainsi qu’une surveillance pré, per et post-opératoire.

Ce type de prise en charge ne peut ainsi relever de la médecine de ville pratiquée en cabinet eu égard aux contraintes d’asepsie, de gestion des risques médicaux, et des certifications et autorisations nécessaire pour pratiquer de tels actes ».

Dans ces conditions, le Tribunal estimait que l’infection contractée par la patiente devait être considérée comme une infection nosocomiale dont les conséquences devaient être indemnisées par le responsable de la structure ; en l’espèce le praticien lui-même.

Le chirurgien interjetait appel de ce jugement.

La procédure devant la Cour d’appel

Par arrêt en date du 5 septembre 2019, la Cour d’appel confirmait le jugement entrepris en ce que le chirurgien devait être considéré comme le dirigeant de l’IACE qualifiée d’établissement de santé et tenu en conséquence d’indemniser les conséquences de l’infection nosocomiale contractée par la patiente au sein de sa structure.

Un pourvoi en cassation était formé par le chirurgien afin que la Cour de cassation reconnaisse que l’IACE ne pouvait être considéré comme un établissement de santé et qu’en conséquence la responsabilité du chirurgien ne pouvait être retenue qu’en cas de faute.

L’arrêt de la Cour de cassation

Par arrêt en date du 8 décembre 2021, la Première Chambre civile de la Cour de cassation a confirmé qu’une installation autonome de chirurgie esthétique ne constituait pas un établissement de santé.

La Cour de cassation a cependant rappelé que l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique relatif à l’indemnisation des dommages résultant d’une infection nosocomiale ne concernait pas uniquement les établissements de santé privé mais également les services dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins.

Or, la Cour a considéré qu’une IACE constitue un service de santé dans lequel sont réalisés des actes de soins et qu’en conséquence, elle est soumise, comme les établissements de santé, à une responsabilité de plein droit en matière d’infections nosocomiales.

La motivation de la Cour de cassation est la suivante :

« 4. Selon l'article L. 1142-1, I, alinéa 2, du code de la santé publique, les établissements, services et organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.

5. Une installation autonome de chirurgie esthétique constitue un service de santé, régi par les dispositions des articles L. 6322-1 à L. 6322-3 et R. 6322-1 à D. 6322-48 du code de la santé publique, dans lequel sont réalisés de tels actes, de sorte qu'elle est soumise, comme un établissement de santé, à une responsabilité de plein droit en matière d'infections nosocomiales.

6. La cour d'appel a constaté que [la patiente] avait contracté une infection nosocomiale dans les locaux de l'installation autonome de chirurgie esthétique dirigée par [le chirurgien].

7. Cette installation étant soumise à une responsabilité de plein droit, il en résulte que [le chirurgien] ès qualités était tenu, en l'absence de preuve d'une cause étrangère, d'indemniser les préjudices subis par [la patiente] en lien avec l'infection nosocomiale ».

La Cour de cassation en conclut donc que le chirurgien plasticien titulaire de l’autorisation et qui détient cette IACE est tenu de plein droit, en l’absence de preuve d’une cause étrangère, d’indemniser la victime qui a contracté une infection qualifiée de nosocomiale dans les locaux de son installation.

CE QU’IL FAUT RETENIR :

Ainsi, la responsabilité de plein droit du fait d’une infection nosocomiale, ne concerne pas uniquement les établissements de santé publics ou privés, mais s’applique également à toutes les structures au sein desquelles des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins sont dispensés.

Il est donc primordial pour tous les praticiens exerçant une activité médicale dans le cadre d’une structure autonome de doter cette structure d’une personnalité morale afin de permettre une distinction entre :

l’assurance couvrant la responsabilité civile professionnelle du médecin qui exerce au sein de cette structure, responsabilité qui ne peut être engagée sur pour faute

et l’assurance de la structure elle-même au sein de laquelle les soins sont dispensés et qui devra donc être assurée de manière distincte pour les dommages résultant notamment d’une infection nosocomiale, responsabilité de plein droit.

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SSPI : Pas de fatalité à une responsabilité partagée ! (Suite)

Responsabilité Médicale

le 07/02/2022

Aux termes de notre précédent article nous exposions deux cas, ayant donné lieu à des arrêts de Cours d’Appel confirmés par la Cour de Cassation (Cour d’Appel de DOUAI, 23 mai 2013 11/05434 ; Cour d’Appel de DOUAI, 4 avril 2019 19/199)

De ces deux cas, nous avions tiré un certain nombre d’enseignements aujourd’hui une nouvelle fois confirmés par un arrêt de Cour d’Appel dans une affaire similaire (Cour d’Appel d’AIX en PROVENCE, 24 octobre 2019 19/390).

Pour mémoire, il est acquis qu’une fois transféré en SSPI, le patient est sous la surveillance immédiate de l’IADE ou de l’infirmière spécialement formée à cette surveillance, sous la responsabilité médicale d’un médecin anesthésiste réanimateur à proximité et pouvant intervenir dans les plus brefs délais.

Qui est responsable en cas de défaut de surveillance en SSPI : l’infirmier de SSPI, le médecin anesthésiste, les deux ?

1.    Les cas exposés

1er cas :

Dans les suites d’une adenoïdectomie conduite sous anesthésie générale par SEVORANE, une enfant de trois ans était transférée en SSPI.

A son arrivée et bien qu’il soit noté dans le compte-rendu opératoire que le réveil de l’enfant avait été constaté sur table, l’infirmière de SSPI notait que l’enfant n’était pas conscient et ne répondait pas à la stimulation.

Aucun monitoring ou surveillance particulière n’était mis en place, à l’exception d’un saturomètre.

Dix minutes plus tard, vraisemblablement, l’enfant présentait un laryngospasme aigüe entrainant rapidement un arrêt cardiaque.

L’infirmière de SSPI prévenait l’anesthésiste qui venait immédiatement et retrouvait l’enfant cyanosé en arrêt cardio-respiratoire.

Il mettait en œuvre les mesures de réanimation et l’enfant état transférée dans un service de neurologie pédiatrique en état de coma végétatif.

La Cour d’Appel a retenu une perte de chance totale de 99% répartie à parts égales entre le médecin anesthésiste réanimateur et l’infirmière.

Elle considéra :

-       D’une part, que le médecin anesthésiste-réanimateur avait été imprudent en transférant l’enfant trop précocement en SSPI « au lieu de la garder encore quelques minutes pour s’assurer que, lors de l’arrêt de l’administration du mélange du Sévorane avec le protoxyde d’azote, l’hypoxie ne se prolongeait pas et continuer la ventilation en oxygène ».

-       D’autre part, que l’établissement de santé engageait sa propre responsabilité du fait de la négligence de son infirmière salariée de SSPI, laquelle n’avait pas pris toutes les mesures nécessaires afin d’assurer une surveillance efficace, et donc conduit au retard de diagnostic et de prise en charge :

« Attendu que pour autant la Clinique Z ne saurait denier toute responsabilité de l’infirmière présente en salle de réveil alors qu’il ressort des éléments sus rappelé que l’enfant n’était pas pleinement réveillé lors de son arrivée dans cette salle, l’infirmière aurait dû prendre toutes les précautions nécessaires pour assurer une surveillance maximale et ne pas se contenter d’un saturomètre ; que peu importe que les instructions sur la feuille que X lui avait été transmises aient été ou non pré-imprimées et n’aient pas visé le cas spécifique de Y, car en tant que professionnelle (elle a elle-même indiqué qu’elle travaillait depuis 12 ans en salle de réveil) elle devait connaître les précautions élémentaires à prendre et brancher l’ensemble du monitorage »

Il convient de préciser qu’il avait été relevé en l’espèce que le médecin anesthésiste réanimateur était, au moment des faits, du fait de la défection imprévue d’un de ses collègues, en charge de 3 salles d’opérations.

2ème cas :

Une patiente ayant bénéficié de la pose d’une prothèse de hanche sous anesthésie générale était admise en SSPI intubée et ventilée, sans monitorage de décurarisation préalable en salle d’opération.

L’infirmière en charge de la SSPI décidait, sans juger nécessaire de faire appel à l’anesthésiste réanimateur, d’extuber la patiente, sans préalablement s’assurer de la décurarisation.

Vingt minutes plus tard, l’IADE du MAR, en arrivant dans la SSPI pour y conduire un patient suivant, constatait immédiatement un arrêt cardiaque de la patiente et appelait le médecin anesthésiste réanimateur, lequel intervenait immédiatement.

La patiente était ensuite transférée dans un autre établissement où il était constaté un coma anoxique aréactif.

Pour retenir la responsabilité du médecin anesthésiste réanimateur, la Cour d’appel a considéré que l’absence de monitorage des effets résiduels du curare par l’anesthésiste avait favorisé les circonstances de survenue de la complication :

« Attendu, sur l’analyse du comportement du praticien anesthésiste, que l’expert judiciaire retient à l’encontre du Docteur X l’absence de mise en œuvre des bonnes pratiques recommandées par la SFAR, plus précisément l’absence de monitorage de la curarisation et partant l’absence d’administration d’un produit antagoniste en cas de curarisation résiduelle ;

(…)

Qu’il est encore acquis que l’anesthésiste, dont les obligations professionnelles demeurent envers le patient à son admission en salle de réveil, se devait d’informer le personnel infirmier spécialisé non seulement de l’utilisation au cours de l’intervention d’un produit dérivé du curare, ce qui normalement doit apparaître sur le document qui suit le patient du bloc opératoire à la salle de réveil, mais bien davantage aviser ce personnel de l’absence de recherche d’une éventuelle curarisation résiduelle comme l’absence d’administration d’un produit antidote, soit autant de précautions utiles pour le personnel auquel l’extubation été déléguée, cette manœuvre ne suscitant de la part du Docteur X ni même de l’établissement de santé la moindre discussion ;

Qu’il s’ensuit que par sa propre carence et la méconnaissance des Recommandations de bonnes pratiques cliniques publiées dès 2002 par la SFAR, le Docteur X a créé les conditions de survenance de l’accident anesthésique dont a souffert Mme Y en salle de réveil ».

Pour retenir également la responsabilité de l’établissement de santé du fait du comportement de son infirmière salariée en SSPI, la Cour a constaté qu’une surveillance efficiente dans les minutes suivant l’extubation aurait pu permettre d’éviter le dommage :

« Que [l’expert judiciaire] décrit du reste, indépendamment des fautes mises en exergue contre le praticien anesthésique, un indéniable défaut de surveillance de la part du personnel infirmier de la salle de réveil que les données de la séquence de monitorage enregistrée mettent en évidence de manière édifiante, ce qui suggère un comportement fautif particulièrement lourd de ce personnel, un suivi constant des données du moniteur cardiovasculaire permettant de repérer immédiatement une éventuelle complication.

Qu’il n’est à ce sujet pas discutable que les manquements du personnel de la salle de réveil à ses obligations de surveillance et de vigilance, indépendamment des reproches nourris contre le praticien anesthésiste, sont patents et que leurs conséquences pour Mme Y se sont révélées dramatiques et irréversibles, l’expert judiciaire rappelant en son rapport que des gestes simples et adaptés de la part d’un personnel vigilant permettaient de parer toute complication sans même devoir envisager une nouvelle intubation ; »

Il convient ici de préciser que, dans cette affaire, l’anesthésiste réanimateur avait eu l’heureuse initiative de procéder immédiatement à des captures d’écran de monitorage (il n’y avait pas d’impression papier sur ledit matériel), qui ont permis de rétablir la chronologie exacte des constantes, révélant un arrêt cardio respiratoire quasi immédiat après extubation, en contradiction totale avec les constantes tracées par l’infirmière de SSPI…

3ème cas :

Dans les suites d’une cure de sciatique conduite sous anesthésie générale, le patient était extubé par le médecin anesthésiste-réanimateur qui le transférait ensuite en SSPI.

A son arrivée, il était relevé un épisode de dyspnée respiratoire sur œdème rapidement résolutif sous aérosol prescrit par l’anesthésiste.

A noter que l’ensemble de cette prise en charge faisait l’objet d’une traçabilité précise par le médecin anesthésiste aux termes de la feuille de prescription post-interventionnelle.

1 heures 20 après son admission en SSPI, l’état du patient se dégradait lequel présentait alors une détresse respiratoire associée à une hypertension artérielle et une altération majeure de la conscience.

Appelé par le personnel infirmier, l’anesthésiste se rendait immédiatement au chevet du patient et procédait aux mesures de réanimation.

Malheureusement, cette encéphalopathie anoxique entraînait une tétraplégie et d’importants troubles cognitifs jusqu’au décès du patient, dix ans plus tard.

Dans le cadre de sa défense, l’établissement a cherché un partage de responsabilité avec le médecin anesthésiste-réanimateur invoquant une extubation trop précoce à l’origine d’une anoxie qui aurait alors entraîné secondairement la détresse respiratoire.

S’appuyant notamment sur les conclusions expertales et plus particulièrement la feuille de prescription post-interventionnelle et la traçabilité des constantes en SSPI, la Cour d’Appel a pu légitimement en déduire qu’il n’y avait pas eu de désaturation après le problème ventilatoire qui avait été correctement pris en charge par l’anesthésiste.

Relevant l’existence de bonnes constantes et notamment d’une bonne saturation en oxygène du patient à son arrivée en SSPI et pendant plus d’une heure après, la Cour a pu rejeter l’hypothèse de la Clinique et écarter une possible responsabilité de l’anesthésiste.

S’agissant de l’établissement, la Cour a notamment considéré que l’existence d’une oxymétrie imprenable démontrait la survenue d’une obstruction pharyngée d’au moins 5 minutes caractérisant un défaut de surveillance de la part du personnel infirmier et engageant la responsabilité exclusive de l’établissement.

« La feuille de prescription post-interventionnelle établie à la suite de l’intervention mentionne une dyspnée respiratoire sur oedème et la prescription d’un aérosol par le Docteur X.

Les experts ont relevé qu’il ne peut être considéré que l’état clinique de Monsieur M. s’est aggravé entre 10H07 et 10H24, heure de son admission en SSPI, car aucun élément ne permet de l’établir et car le problème ventilatoire n’a pas entraîné de détresse respiratoire ; ainsi le volume courant est resté satisfaisant, il n’y a pas eu de désaturation et il est demeuré un important wheezing.

En outre, la feuille de surveillance en SSPI révèle une admission à 10H24 avec une oxymétrie de pouls à 97 et la mise en place de l’aérosol de Solumédrol et Adrenaline qui a amélioré immédiatement l’état de Monsieur M. ; en effet, l’oxymétrie de pouls est passée à 100 à 10H34 ; ainsi aucun manque d’oxygène n’est à déplorer lors de l’arrivée en SSPI.

En revanche, la feuille de surveillance post-interventionnelle fait état à 11H32 d’une oxymétrie de pouls à 100 puis à 11H43 de l’absence d’oxymétrie de pouls ; le Docteur X. a indiqué avoir été appelé en salle de réveil à 11H45 et les experts ont précisé que l’oxymétrie de pouls non mesurable s’est accompagnée d’une tachycardie et d’une hypertension artérielle, que chez un patient réputé sous oxygène, il faut au moins cinq minutes d’obstruction pharyngée pour passer d’une oxymétrie de pouls à 100 à une oxymétrie imprenable et que malgré une intubation trachéale et une ventilation assistée l’oxymétrie mesurable n’a été récupérée qu’après dix minutes ce qui implique que la ventilation n’était pas efficace depuis au moins cinq minutes.

Les experts ont ajouté d’une part, que le trouble respiratoire a bien été dû à une obstruction des voies aériennes car il a suffit au Docteur X. de luxer la mâchoire de Monsieur M. pour que celui-ci reprenne une ventilation ample et efficace, (ce qui exclut une reprise de l’oedème laryngé), qu’il s’agit d’un geste simple que tous les infirmiers de salle de réveil savent faire dans l’attente de la venue d’un médecin et, d’autre part, que l’infirmier de SSPI qui a renseigné un score d’Aldrete à l’arrivée de Monsieur M. (l’activité motrice est notée 0/2 et l’état de conscience est noté 0/2 sur la feuille de soins post-interventionnelle) savait qu’il était endormi et se devait de le surveiller attentivement et de le stimuler.

Ces éléments caractérisent ainsi un défaut de surveillance de Monsieur M. en SSPI par le personnel infirmier et une absence de réaction adaptée de ce personnel face à un problème respiratoire, ce qui engage la responsabilité de [l’établissement]. »

2.    Un même raisonnement de principe : une responsabilité partagée 50/50 entre l’anesthésiste et la Clinique

Dans les deux premières affaires, une même solution s’est imposée à savoir une responsabilité partagée à 50/50 entre l’anesthésiste et la Clinique.

En effet, dans chacune de ces affaires, les défaillances du personnel infirmier faisaient suite à des défaillances propres au médecin anesthésiste réanimateur.

Dans la troisième affaire, l’établissement a cherché l’application du même raisonnement en alléguant, en amont de la prise en charge du personnel infirmier, une extubation trop précoce de la part du médecin anesthésiste réanimateur.

Cependant, au prix d’une traçabilité précise et d’une prise en charge exempte de toute critique, la responsabilité du médecin anesthésiste réanimateur a pu être écartée.

3.    Quels enseignements à tirer ?

La responsabilité médicale est une responsabilité personnelle et individuelle, chacun répond des conséquences de sa propre prise en charge, mais les défaillances de l’un peuvent contribuer aux défaillances de l’autre.

Les Tribunaux ont toujours une extrême difficulté à ne retenir que la responsabilité du personnel infirmier, bien qu’il ait ses compétences et responsabilités propres, et cherchent toujours à savoir s’il n’y a pas lieu de retenir également la responsabilité du médecin dont le personnel infirmier dépend.

Si dans les deux premiers cas exposés, on voit bien que la carence de surveillance du personnel infirmier a été la cause essentielle et principale du dommage, les juges ont retenu néanmoins la responsabilité pour moitié de l’anesthésiste réanimateur dont la prise en charge n’était pas indemne de tout reproche.

Comme nous le démontre la troisième affaire, ce partage de responsabilité n’est pas inévitable, d’autant que nous savons bien le rôle principal et déterminant de la surveillance par le personnel infirmier en SSPI.

Pour que celle-ci soit le centre de l’attention des experts puis des juges, cela suppose une prise en charge de l’anesthésiste réanimateur exempte de tout reproche.

Cela suppose donc :

-      Une traçabilité précise et complète de la prise en charge du MAR sur la feuille d’anesthésie

-       Une traçabilité des consignes de surveillance en SSPI, qui peut être faite en référence à des protocoles de surveillance selon les types d’anesthésie et/ou de chirurgie réalisées (avec ou sans curare, monitorage de décurarisation avant extubation par l’infirmière en SSPI, constantes de référence impliquant appel systématique et immédiat au MAR etc…)

-      Une traçabilité de la surveillance infirmière en SSPI et la conservation des constantes monitorées

-       Enfin et bien évidemment, nous rajouterons la disponibilité immédiate de l’anesthésiste réanimateur pour répondre à un appel d’un infirmier SSPI, disponibilité qui sera toujours mise en cause explicitement ou implicitement s’il est établi qu’il était en charge de plus de deux programmes opératoires sans renfort anesthésique qualifié.

Telles sont les conditions qui permettront, en cas de défaillances du personnel infirmer en SSPI, de ne retenir que la seule et entière responsabilité de la Clinique.

À propos du Cabinet
Le Cabinet AUBER a été créé en 2003 à l’initiative de Philip COHEN et Marie-Christine DELUC, avocats qui exerçaient dans des domaines distincts mais complémentaires.
Dans le domaine du droit de la santé, Avocat des principaux syndicats de médecins libéraux, généralistes ou spécialistes (CSMF, SNARF, FNMR, FFMKR…), et avocat référent du Cabinet BRANCHET, le Cabinet AUBER accompagne, conseille et défend les médecins dans tous les domaines concernant leur exercice professionnel.
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