NOS PUBLICATIONS.

Quoi de neuf en contentieux de la sécurité sociale ?

Contentieux sécurité sociale

le 09/03/2020

  1. Le TASS est mort, vive le Pôle social !

Le contentieux de la sécurité sociale connaissait deux types de litiges, le contentieux technique (invalidité, incapacité, etc) et le contentieux général.

Cette distinction s’appliquait dès la phase pré contentieuse (avant la saisine du Tribunal) et se retrouvait dans la procédure judiciaire devant deux juridictions spécialisées : les Tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS) et les Tribunaux du contentieux de l’incapacité (TCI). 

Le 1er janvier 2019, les TASS et TCI ont disparu et l’ensemble du contentieux de la sécurité sociale a été transféré aux Pôles sociaux des TGI. 

La distinction entre le contentieux technique et le contentieux général avait donc déjà complétement disparu dans le cadre de la procédure contentieuse devant le juge judiciaire. 

La loi du 23 mars 2019 a supprimé, le Tribunal d'instance en tant que juridiction autonome aux côtés du Tribunal de grande instance (TGI). 

A compter du 1er janvier 2020, il n’existe donc plus qu’un seul tribunal : le Tribunal judiciaire.

Désormais, le Pôle social du Tribunal judiciaire territorialement compétent connait donc de l’ensemble du contentieux de la sécurité sociale.

En pratique, il n’y a pas de grand changement pour le professionnel de santé faisant l’objet par exemple d’une demande en remboursement d’indu : au lieu de contester la décision de la Commission de recours amiable de la CPAM concernée devant le TASS, il doit désormais saisir le Pôle social du Tribunal judiciaire compétent territorialement.

La notification de cette décision doit normalement préciser les délais et modalités de voies de recours, comprenant la juridiction compétente et l’adresse à laquelle envoyer la contestation.

  1. Commissions de recours amiable : quelle utilité ?

Les réclamations contre certaines décisions d'organismes de sécurité sociale doivent faire l’objet, préalablement à un contentieux, d’une contestation devant une Commission de recours amiable (CRA) de l'organisme concerné.

S’agissant des notifications d’indu intervenant ou non à l’issue d’un contrôle d’activité médicale d’un professionnel de santé, ce recours est un préalable obligatoire avant de pouvoir saisir le Pôle social du Tribunal judiciaire territorialement compétent. 

Ainsi, cette phase « pré contentieuse » a normalement pour but de privilégier une résolution amiable du litige et un désengorgement des Tribunaux.  

Pourtant, la Chambre sociale de la Cour d’appel de MONTPELLIER a confirmé le doute déjà existant sur l’utilité de ces Commissions (15 mai 2019, RG n°15/01463) en limitant la motivation nécessaire des décisions des Commissions au strict minimum. 

En effet, la décision de la CRA, on ne peut plus succincte, exposait : « Considérant l'ensemble du dossier, considérant l'avis du Service Médical, considérant l'ensemble des anomalies retenus, considérant que la Caisse a fait une juste application de la réglementation, la Commission décide de maintenir la décision et de poursuivre le recouvrement de ta totalité de l'indu. »

Elle ne reprenait donc aucun élément de l’espèce, ce considérant pouvant finalement s’intégrer dans n’importe quel dossier…

Pourtant, la Cour a confirmé la position du Tribunal, lequel avait considéré que dans la décision de la Commission de recours amiable, même rédigée de cette manière, une motivation existait et permettait à la juridiction de statuer au fond sans que puisse être encourue la nullité voire l'irrégularité de la procédure de contrôle d'activité et de la décision de répétition d'indu.

Conclusion : 

Une fois que le professionnel de santé a saisi la Commission de recours amiable, il a deux possibilités : soit saisir le Pôle social du Tribunal judiciaire territorialement compétent d’une décision implicite de rejet après expiration du délai de 2 mois pour la rendre, soit attendre la décision explicite de la CRA.  

Cette jurisprudence confirme l’intérêt à attendre la notification de la décision de rejet explicite de la CRA pour saisir le pôle social du Tribunal judiciaire territorialement compétent, qui reste malheureusement la norme dominante, de façon à pouvoir discuter la motivation de celle-ci ou mettre en exergue l’absence de réelle motivation même si cela ne peut constituer forcément en soi  un motif d’annulation… 

  1. Contrôle d’activité médicale CPAM : De l’importance des droits du praticien

     

A l’issue d’un contrôle d’activité médicale par le service médical d’une Caisse d’assurance maladie, si des anomalies sont constatées par le service médical la Caisse notifie au professionnel les griefs retenus à son encontre. 

Ce dernier peut alors demander l’organisation d’un entretien, conformément à l’article R.315-1-2 du Code de la sécurité sociale.

La Cour d’appel d’ORLEANS a eu l’occasion de rappeler, dans un arrêt en date du 28 mai 2019 (RG n°18/00131), l’importance des informations délivrées au praticien contrôlé avant l’organisation de cet entretien. 

En effet, l'article D.315-2 du même code dispose que préalablement audit entretien, le service du contrôle médical communique au professionnel de santé contrôlé l'ensemble des éléments nécessaires à la préparation de l'entretien et notamment la liste des faits reprochés au praticien et l'identité des patients concernés.

En l’espèce, il ne résultait pas du compte rendu d’entretien que les professionnels concernés par ce contrôle avaient été destinataires des informations visées à l’article précité préalablement à l’entretien et en particulier d’une « liste claire et compréhensible des griefs et de leurs motifs précis », le compte rendu se bornant à indiquer que les indus portaient sur « les dossiers en infraction à la réglementation non forclos ».

Par jugement en date du 28 novembre 2017, le tribunal avait déclaré nulle toute la procédure applicable aux opérations de contrôle de la caisse, infirmé la décision de la commission de recours amiable, annulé la décision de notification d'indu en date du 17 septembre 2015 et rejeté tous autres chefs de demande.

La Cour d’appel d’ORLEANS a confirmé ce jugement en précisant que le fait que les professionnels contrôlés avaient été personnellement destinataires des dossiers individuels des patients avec tous les éléments permettant d'identifier les actes et dispositions réglementaires non respectées, ne dispensait pas le service du contrôle médical préalablement à l'entretien de fournir « une information plus précise sur les griefs reprochés ».

Conclusion 

La procédure de contrôle d’activité médicale, dont fait partie l’entretien avec le service médical de la CPAM, répond aux principes du respect du contradictoire et des droits de la défense. Il convient donc toujours de les faire respecter.

En ce qui concerne l’entretien, un projet de compte-rendu est établi par les médecins-conseils du service médical de la CPAM qui peut être amendé ou modifié par le praticien. 

Ce dernier doit d’ailleurs avoir en préoccupation le contenu de ses observations répondant à chaque grief formulé par la CPAM, puisqu’elles feront ensuite partie du contentieux qui suivra. 

Ainsi, il convient de veiller à se faire assister par un Conseil avisé dès cette phase de la procédure, sans attendre le contentieux devant le Tribunal judiciaire. 

Lire la suite
Cette publication peut également vous intéresser.

Attention à la chute, vous pourriez tomber de haut !

Responsabilité Médicale

le 10/02/2020

Au bloc opératoire, le chirurgien, l’anesthésiste et l’infirmier de bloc disposent de compétences propres qu’ils mettent en œuvre au service du patient et pour lesquelles chacun est responsable. Mais les professionnels de santé qui prêtent leur concours à une intervention chirurgicale constituent aussi une équipe au chevet du patient….

Les faits médicaux

En 2012, une patiente, âgée de 37 ans et présentant un IMC de 40, souffrait d’une insuffisance veineuse superficielle pour laquelle elle avait déjà bénéficié d’une intervention chirurgicale.

Une reprise chirurgicale devait être réalisée en raison d'un écoulement persistant. 

L'opération, consistant en un parage de la cicatrice jambière droite, était réalisée par le Dr CHIR et l'anesthésie générale assurée par le Dr MAR.

Au cours de l'opération, alors qu'elle était installée sur une table d'opération inclinée d'une quinzaine de degrés, la patiente chutait de la table générant un traumatisme crânien et un arrachement osseux sous-chondraux de l'articulation acromio-claviculaire droite.

Le rapport d’expertise judiciaire

L’Expert spécialisé en médecine générale ne retenait aucun manquement à l’encontre des Docteurs CHIR et MAR en lien avec la chute de la patiente de la table d’opération : 

« Les actes et les soins prodigués à la patiente par les Docteurs CHIR et MAR à la Clinique semblent avoir été attentifs, diligents et conformes aux règles de l’art et aux données acquises de la science à l’époque des faits. 

(…)

Les collections hémorragiques cérébrales dont a été victime la patiente sont en relation directe et certaine avec sa chute mais sa chute ne constitue pas un manquement thérapeutique de la part des médecins qui l’ont prise en charge. 

(…)

Enfin, nous pensons pouvoir estimer raisonnablement que le Docteur CHIR a agi de manière conforme aux données de la science et que la chute dont a été victime la patiente n’est pas un manquement de sa part.

(…)

En tout état de cause la chute d’un patient d’une table d’examen est évidemment parfaitement anormale. Il ne s’agit pas d’un accident médical non fautif mais d’un accident commun ».

Les débats et Le jugement 

Malgré un rapport d’expertise écartant toute responsabilité des Docteurs CHIR et MAR, la patiente poursuivant sa démarche indemnitaire assignait non seulement l’établissement, mais également les deux praticiens afin d’obtenir l’indemnisation des ses préjudices.

Il a été développé devant le Tribunal l’argumentation qui suit : 

La Check-list « sécurité du patient au bloc opératoire » prévoit la vérification avant l’induction anesthésique « du mode d’installation » préconisé et que « l’équipement / le matériel nécessaires pour l’intervention soient vérifiés et adaptés au poids et à la taille du patient », une nouvelle vérification de l’installation devant être faite avant l’incision.

La check-list doit être renseignée, après partage des informations, entre les membres de l’équipe et engage ainsi la responsabilité de chacun des signataires, soit le chirurgien, l’anesthésiste et l’établissement de santé.

Si la survenance d’une chute au bloc opératoire évoque généralement la responsabilité des médecins et de la Clinique, encore faut-il établir un défaut de surveillance et ou un défaut de collaboration entre eux

En l’espèce, la situation était sensiblement différente. 

Durant l’intervention, la patiente était placée en decubitus dorsal avec une légère inclinaison de la table chirurgicale d'une quinzaine de degrés vers le chirurgien afin de lui permettre un abord correct sur la jambe droite. La patiente était sanglée à la table par des velcros et c’est en fin d'intervention que le matelas fixé par du velcro au châssis métallique de la table opératoire s’est détaché de celui-ci et a ainsi entraîné la patiente dans sa chute sur le chirurgien qui n’a pas été en mesure de la retenir. 

Il ne s’agissait pas ici d’une chute pure et simple de la patiente de la table par un défaut de surveillance, mais d’un « démontage » soudain de la table d’intervention sur laquelle la patiente était installée durant l’opération, entraînant le matelas et la patiente dans sa chute. 

La patiente reprochait à ce titre l’absence d’installation de mesures de précaution supplémentaires telles que des sangles ou bordures de sécurité qui auraient permis d’éviter sa chute.

Nous avions précisé au Tribunal que la mise en place de cale ou d’appui n’est pas recommandée ni obligatoire dans ce type de chirurgie de parage et de suture d’une cicatrice de phlébectomie dans la mesure où cela entraîne une gêne pour l’opérateur. Et qu’en tout état de cause ces mesures de protection sont parfaitement dépourvues de lien avec la chute dès lors que celle-ci n’est due qu’à un dysfonctionnement du matériel lui-même. Des barrières de sécurité supplémentaires n’auraient pas empêché la chute puisque c’est le support même de la table d’intervention qui s’est désolidarisé du reste…

La Clinique, qui cherchait à se dégager d’une responsabilité pleine et entière, indiquait qu’elle mettait à la disposition des chirurgiens deux types de tables d’opération selon le poids des patients et qu’il incombait chirurgien de choisir la table adaptée à son patient.

La Clinique était cependant dans l’impossibilité de rapporter la preuve de cette allégation, contestée par les praticiens.

Nous insistions surtout sur le fait que la chute de la patiente était en l’espèce parfaitement indépendante de l’utilisation d’un modèle de table plutôt qu’un autre, dès lors que les matelas étaient fixés par le même procédé de bandes velcro pour les deux types de table, sans renfort supplémentaire, et que les praticiens avaient pris l’ensemble des précautions nécessaires et respecté les règles de bonnes pratiques médicales.

Le Tribunal a suivi notre argumentation et a considéré aux termes de son jugement devenu définitif : 

« (…) La corpulence de la patiente imposait au Dr CHIR mais également au Dr MAR de s'assurer que l'opération se déroulait dans des conditions adaptées à celle-ci. A ce titre, le fait qu'elle ait été sanglée à la table confirme que des dispositions ont été mises en œuvre pour éviter sa chute. 

En revanche, la mise à disposition d'une table adaptée à la corpulence de la patiente relevait des attributions de la Clinique. La chute de la patiente de la table révèle le caractère inadapté de celle-ci à sa corpulence, ce que les personnels de la Clinique en charge de la préparation de la salle d'opération ne pouvaient ignorer. Ainsi, la Clinique a commis une faute et sa responsabilité doit être engagée. En revanche, en l'absence de faute, les responsabilités des Docteurs CHIR et MAR seront écartées ». 

Conclusion

La sécurité du patient en salle d’opération est primordiale et incombe à chacun des membres de l’équipe médico-chirurgicale présente au bloc, quelle que soit sa spécialité et sa qualification, ainsi qu’au personnel infirmier de bloc salarié de la Clinique. 

Si dans cette affaire, nous avons pu mettre hors de cause les Docteurs CHIR et MAR, c’est parce que nous avons pu démontrer que la chute ne relevait pas d’une installation non conforme aux règles de l’art ou d’un défaut de surveillance, mais de la révélation brutale du caractère inadapté du matériel mis à leur disposition par la Clinique, et impliquant donc l’entière responsabilité de cette dernière. 

S’il est important que les praticiens demandent à l’établissement de leur fournir du matériel adapté aux interventions et aux patients, ils ne peuvent pour autant être tenus responsables d’un matériel défectueux fourni par la Clinique et censé répondre à ces impératifs. 

Si la vigilance demeure de mise pour tout le monde, elle connaît cependant ses limites ! 

Ce dossier illustre en outre l’intérêt pour les praticiens d’être assuré auprès d’une compagnie distincte de son établissement !

À propos du Cabinet
Le Cabinet AUBER a été créé en 2003 à l’initiative de Philip COHEN et Marie-Christine DELUC, avocats qui exerçaient dans des domaines distincts mais complémentaires.
Dans le domaine du droit de la santé, Avocat des principaux syndicats de médecins libéraux, généralistes ou spécialistes (CSMF, SNARF, FNMR, FFMKR…), et avocat référent du Cabinet BRANCHET, le Cabinet AUBER accompagne, conseille et défend les médecins dans tous les domaines concernant leur exercice professionnel.
Nos compétences
Avocats associés